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renaissance de Munich. Quand celle-ci a commencé, on en était à regarder comme le type de l’art la peinture byzantine, c’est-à-dire la décadence de l’art grec transporté dans le christianisme. Peut-être est-ce encore pour satisfaire à ces fantaisies systématiques que le calque architectural des églises du moyen âgé a été commandé et qu’on a fait construire Saint-Boniface et la chapelle de Tous-les-Saints. Nous avons vu par quel ordre d’idées ces essais peuvent encore être raisonnablement justifiés; mais par l’universalité de son goût archéologique, par ses relations fréquentes avec la Grèce et l’Italie, le roi Louis ne pouvait exclusivement encourager une école exclusive, et, en appelant tout l’art contemporain à suivre dans ses imitations le cours entier de l’histoire, il a tout au moins rendu la liberté et rouvert la carrière à l’admiration comme au talent. Par la simple comparaison des écoles et des modèles, la nature, la vie, la beauté ont repris leur empire, et la discipline monastique d’une réaction puérile a cessé d’opprimer et d’appauvrir l’esprit humain.


III

C’est avec ces sentimens que je suis entré à la Pinacothèque, dont il me reste à parler, et je les y ai conservés. J’essaierai d’épargner au lecteur ces énumérations de tableaux qui ressemblent aux pages d’un catalogue, et de ne lui soumettre que des réflexions qu’il contrôlera par les siennes.

Le premier tableau que l’on voit en entrant dans la Pinacothèque est un tableau d’Albert Dürer. De ce tableau et de son pendant, deux portraits des chevaliers Lucas et Etienne Baumgartner de Nuremberg, portraits où la vérité, le naturel, la netteté, la vigueur et le coloris rachètent bien la sécheresse et la laideur, on pourrait partir pour suivre toute l’œuvre du peintre et étudier dans un de ses plus grands maîtres le développement de l’école allemande; mais Albert n’en est pas le créateur. Il est l’élève de Wohlgemuth, qui n’est pas lui-même un artiste ordinaire, et qui ne fut pas sans prédécesseurs. Cependant nous ne remonterons pas plus loin que l’école de Cologne, qui peut même se réduire à un seul nom, maître Wilhelm, le meilleur peintre de toute l’Allemagne, dit une chronique (1380). Trois ou quatre cadres lui sont attribués à Munich, mais sans authenticité. L’usage est de lui donner les meilleurs dés tableaux allemands qui paraissent appartenir à son époque; on les reconnaît à divers caractères. Le dessin est gauche comme la composition; la couleur a plus de vivacité que de relief; l’expression souvent touchante est obtenue sans une étude approfondie de la nature; on remarque même une tendance à l’élévation qui fut arrêtée par l’influence des Van Eyck. Jean Van Eyck, à qui reste toute la renommée