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obscur. Ce Valhalla bavarois a été l’acheminement vers le Valhalla teutonique que le roi de Bavière a élevé sur une éminence près de Ratisbonne. C’est ce qu’on a pendant un temps nommé en France un panthéon. Il serait curieux de savoir si ces monumens et les pensées qu’ils consacrent ont produit l’effet qu’on devait attendre. Le patriotisme, l’émulation, l’orgueil national, la passion de la gloire, toutes ces affections auxquelles étaient faits tant d’éclatans appels ont-elles répondu par un noble réveil? Ce germanisme qui fait tant de bruit, et qui doit certainement beaucoup à l’esprit et à la science, doit-il quelque chose à cette renaissance un peu forcée de l’art en Bavière, et la révolution est-elle ingrate quand elle la traite avec un oublieux dédain?

On n’aurait qu’une incomplète idée de ce qu’a produit tout le mouvement d’intelligence et d’étude dont nous avons signalé les œuvres principales, si l’on ne connaissait que les imitations de l’antique et les musées. Des édifices utiles et qui ne sont pas seulement des modèles d’école ont été conçus et construits sous l’influence de l’esprit qui règne chez les artistes de Munich; il s’en bâtit encore tous les jours; il serait bon d’entendre les gens du métier qui auraient examiné tout ce qui s’est fait depuis vingt ans, tout ce qui se fait encore dans le prolongement et à l’extrémité de la rue Maximilien. Il me semble que la vogue passe à l’architecture byzantino-vénitienne ou à une sorte de gothique composite assez peu correct; mais je me bornerai à dire deux mots des nouvelles églises. On sait que la Bavière est catholique, du moins en majorité. On ne dit pas qu’elle soit fort religieuse : elle est romaine, et la patrie du chanoine Doellinger n’a point abandonné le saint-siège. La maison régnante s’est toujours souvenue d’avoir résisté à la réforme quand la réforme envahissait l’Allemagne. Le roi, qui tenait à l’orthodoxie, ne fût-ce que par archaïsme, a voulu que dans certaines peintures symboliques la religion figurât avec les muses comme guide et inspiratrice des arts du dessin. Au fond, ceux-ci ne doivent guère au christianisme que des sujets, et pour la plupart excellens, malgré l’aversion qu’ils inspiraient à Goethe. Un accord parfait n’existe pas entre la spiritualité plus ou moins ascétique qui est l’âme de la foi et un art épris de la nature, amoureux de la beauté visible, et toujours prêt à diviniser la forme. Heureusement l’Italie, grâce à ses pontifes et à ses artistes, a su allier tout cela, et le génie de l’antiquité, ranimé par la renaissance, s’est chargé, sans le moindre embarras, de traduire l’austère christianisme dans une langue qui parle aux sens et qui n’a rien du détachement des choses terrestres. Un art tout à fait de ce monde est devenu l’art romain par excellence. On a donc pu également en Bavière allier avec de pieuses intentions le goût de ce qui charme les yeux et séduit