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M. Charles Murray) ont bien voulu servir de garans et en quelque sorte de parrains, a reçu d’eux le nom de John Campbell. Avant de redevenir Anglais, il portait celui de Feringhee-Bacha. Ses récits, dictés à l’un des professeurs chargés de son éducation, ne portent pas en eux-mêmes le cachet d’une véracité absolue. Il semble par momens que l’imagination du jeune aventurier se dédommage des efforts qu’on demande à sa mémoire. Acceptés néanmoins par les imposantes autorités que nous venons de nommer, ces chapitres singuliers ne nous trouvent qu’à demi incrédules ; nous nous méfions modestement de nos méfiances, et nous nous bornerons à regretter que la vérité puisse ressembler de si près, avec la logique de moins, à un conte de la sultane Shéhérazade.


I

La race afghane proprement dite revendique une origine juive. Ses traditions écrites, qui sont nombreuses, puisque M. Bellew a pu consulter jusqu’à sept histoires différentes de ce peuple à part[1], s’accordent sur leur point de départ, qui est le règne de Sarul (Saül), appartenant à la tribu de Benjamin (Ibnyamin). Ce puissant monarque aurait eu deux fils, posthumes, nés à la même heure de deux femmes différentes, toutes deux appartenant à la tribu de Lawi (Lévi). Élevés par David, successeur de Saül, ces deux princes, Barakiah et Iramia (Jérémie), devinrent avec le temps, l’un premier ministre et l’autre général en chef de l’armée. Le premier eut un fils nommé Assaf (Joseph), le second un fils nommé Afghana, lesquels, sous le règne de Suleïman (Salomon), héritèrent des emplois paternels. Afghana présida, sous le contrôle de Salomon, à l’érection du Bait-ul-Mukaddas (le fameux temple de Jérusalem), commencé par David. Lors de la prise du Bait-ul-Mukaddas par Buckhtu-n-Nasr (Nabuchodonosor), la tribu d’Afghana demeura obstinément fidèle à la religion de ses pères, et après de longues persécutions, de nombreux massacres, se vit expulsée du pays de Sham (Palestine) par ordre du conquérant idolâtre. C’est alors que ses débris se réfugièrent dans le Kohistan-i-Gor et le Koh-i-Faroza, où ils reçurent de leurs voisins tantôt le nom de Aoghans ou Afghans, tantôt celui de Bani-Israël. Vainqueurs, après bien des luttes, de tous les peuples païens établis avant eux dans le pays montagneux et désert où l’exil les avait conduits, ils en devinrent les maîtres ; puis,

  1. Cinq en langue persane, deux dans l’idiome puchtu, qui est celui de la nation. La plus ancienne a deux cent cinquante-deux ans d’existence, la plus moderne soixante-quatorze.