Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les foudres de l’église, est le dorschblok[1], dont l’origine remonte déjà très haut, et qui est employé dans la zone argileuse pour battre tous les grains.


III

Lorsqu’en quittant la Frise on pénètre en Groningue, on rencontre dans les fertiles cantons d’Hunsingoo, de Firelingoo et d’Oldampt un sol et une culture à peu près semblables. Cependant, à mesure qu’on avance, on est frappé de l’aspect de richesse que présentent les fermes. Tous les étrangers qui parcourent les campagnes du nord de la Groningue admirent leur prospérité et leur belle apparence. lin agronome français, M. le comte de Gourcy[2], a vivement traduit cette impression dans les notes de son voyage agricole, quoiqu’il n’ait fait que traverser la contrée. Les bâtimens ruraux sont d’une ampleur sans pareille. Entre la route et la maison d’habitation se dessine un jardin d’agrément planté d’arbres exotiques, et dont les pelouses sont parsemées de groupes de fleurs; à côté, un potager montre ses arbres à fruits et ses légumes variés. L’étendue de la façade, le grand nombre de fenêtres aux deux étages, les rideaux brodés, les meubles en bois d’Amérique, le piano, les livres de la bibliothèque, tout annonce une large aisance et les habitudes d’une condition supérieure. Derrière la demeure du fermier, mais y attenant, se dresse un énorme bâtiment haut comme une église et long comme un chantier couvert. Là se trouvent réunis l’étable, l’écurie, la grange, tout sous le même toit. En entrant, vous voyez d’abord des espaces énormes suffisans pour abriter la récolte de 100 hectares et toute une collection d’instrumens aratoires perfectionnés, puis parfois soixante ou soixante-dix vaches sur un seul rang, et non loin de là vingt superbes chevaux noirs, l’orgueil du cultivateur, comme par exemple chez M. Reinders, dans sa belle ferme de Groot-Zeewyk, à Warffum. Ces fermiers ont conservé les mœurs simples de leurs ancêtres. Quoique possédant souvent plusieurs tonnes d’or, ils ne dédaignent pas de mettre la main à la charrue et de surveiller par eux-mêmes tous les travaux des champs. Ils sont bien plus riches

  1. Le dorschblok est un cône tronqué d’une dizaine de pieds de long et de quatre pieds de haut, fait en grosses lattes de bois, et qu’un ou deux chevaux font tourner autour d’un fort pieu fixé en terre. Le dorschblok exige, pour étaler les gerbes à terre, deux hommes par cheval attelé. Il ne fait pas autant de besogne qu’une batteuse anglaise; mais il est d’une construction très simple, ne se dérange jamais et ne coûte presque rien à établir.
  2. Voyage dans le nord de l’Allemagne, la Hollande et la Belgique, par le comte de Courcy; Paris, 1860.