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chenopodium glaucum, etc. Quand apparaissent le lepigonum salinum, le juncus compressas et le trifolium fragiferum, le mouton vient paître ces prés salins, où l’on ouvre de distance en distance de petites rigoles se dirigeant vers la mer, afin que les eaux puissent, en descendant, se diviser et s’écouler doucement, sans emporter le limon fraîchement déposé. Dès lors les progrès de l’alluvion sont rapides, et bientôt on peut songer à l’enceindre d’une digue, afin de livrer à la culture le sol nouvellement formé.

Les terres argileuses de la Frise exploitées à la charrue sont toutes situées au nord de Leeuwarden, qui est ainsi le point de partage de deux systèmes différens : d’un côté le pâturage, de l’autre le labour. Parmi les terres labourées, les meilleures sont celles de Dokkum, du Wierumadeel, du Menaldumadeel, du Ferwerderadeel, et surtout celles du Bildt, qui n’ont été conquises que depuis le XVIe siècle. La qualité de la terre est inférieure à celle de la Zélande, mais la culture est plus soignée. Les champs sont divisés, comme en Flandre, en ados de 3 mètres de largeur, afin de faciliter l’écoulement des eaux. Les semailles d’été commencent à se faire en ligne, non avec le semoir à cheval, mais avec un petit semoir à la main. Les terres sont admirablement sarclées : céréales, féveroles, colza, tout est nettoyé avec le plus grand soin par des femmes qui arrachent jusqu’à la moindre mauvaise herbe moyennant un salaire de 10 centimes par heure. On est parvenu ainsi à extirper presque complètement la moutarde sauvage (sinapis arvensis), qui faisait naguère autant de tort ici que dans les argiles de rivière de la vallée du Rhin. L’assolement s’est aussi singulièrement amélioré. Tandis qu’il y a cinquante ans il se rapprochait beaucoup de celui de la Zélande, avec repos tous les sept ou huit ans, aujourd’hui la jachère a presque complètement disparu, et le froment n’occupe plus que la cinquième partie du sol. Depuis qu’on récolte beaucoup de chicorée et de lin[1], et qu’on a introduit le trèfle, la rotation varie beaucoup dans chaque exploitation. Voici cependant le type dominant : 1° colza fortement fumé; 2° froment ou orge d’hiver; 3° féveroles ou pommes de terre; 4° chicorée ou lin. On fume ainsi tous les quatre, et non tous les huit ans. L’étendue ordinaire des fermes est de 35 à 50 hectares. Comme d’habitude dans les terres fortes, le nombre des chevaux est grand par rapport à celui des vaches : on trouve dans une ferme de 50 hectares environ

  1. J’ai remarqué qu’on semait beaucoup en Frise un lin particulier à fleur blanche plus vigoureux, mais moins fin que le lin à fleur bleue. Cette variété, qui est constante, s’est produite, parait-il, en 1816, cher un fermier de la commune de Ternaard, qui en a recueilli la graine et l’a perpétuée. C’est un fait curieux qui n’est pas indigne de l’attention des botanistes et des agronomes.