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avec son intérêt; mais quand il vit qu’elle le mettait au ban de l’Allemagne, il tourna bride, ce qui ne nuisit pas à la bataille de Leipzig. Son fils, monté sur le trône en 1825, est ce roi Louis qui a fait de la ville de Munich ce qu’elle est. A peine sur le trône, il témoigna de ses goûts classiques en montrant pour les Grecs insurgés, appelés pacifiquement les chrétiens d’Orient, un intérêt assez hardi parmi ceux de sa condition. L’année suivante, il fit le voyage d’Italie, qu’il répéta presque tous les ans. En 1829, il publia son recueil de poésies. Trois ans après, il donna son fils pour roi à la Grèce, qu’il visita en curieux dès qu’il en fut le maître, prétendant politique un voyage tout littéraire. Dans un autre temps, un tel monarque eût été l’idole des universités et des étudians. Malheureusement il ne lui manquait aucun des goûts universitaires. Ses vers avaient laissé entrevoir quelque disposition germanique à poétiser le genre de distraction que Goethe fait chercher au comte d’Egmont dans la chambrette de Claire, et juste en 1847, année mal choisie pour un coup de tête, Claire devint comtesse de Landsfeld. On ne sait pas communément que l’administration de cette dame était libérale: elle faisait la guerre aux jésuites, qui, suivant leur usage, avaient en Bavière fait grand tort au gouvernement; mais elle représentait le bon plaisir sous toutes ses formes. Elle n’échappa point aux barricades, si bien qu’à la seconde épreuve le roi abdiqua. C’était en 1848 ; il avait donc régné vingt-trois ans. Ce règne, que la politique ne recommandera pas beaucoup à l’histoire, avait été remarquable et fécond à d’autres égards. L’histoire de l’art du moins en tiendra compte.

Ce prince était, comme on l’a vu, grand ami de ce que les Allemands nomment la culture. Il était un scholar et un poète; il était antiquaire, helléniste, esthétiste, et en même temps fidèle catholique, amateur, je le crois bien, en toutes choses. Ses sentimens étaient surtout des goûts, et, facilités par l’autorité royale, ces goûts pouvaient devenir à l’aise des manies ou des passions. N’importe, il y a noblesse d’esprit dans tout cela; la science et l’art ne rencontrent pas souvent de tels amis sur le trône.

Malgré ses poésies, il était, bien entendu, de l’école critique. Il admirait l’art en archéologue, et, ayant conçu l’idée singulière d’ériger sa capitale en école et en musée, il fit appel à l’érudition et protégea ou exploita ce mouvement de recherche et d’étude qui depuis Lessing avait porté les écrivains à penser pour les artistes. Ceux-ci à leur tour, séduits par l’exemple, tendaient à devenir savans. Un prince qui goûtait leurs études et leurs travaux leur donna Munich à embellir ou plutôt à transformer. Il voulut que la Grèce, Rome, le moyen âge, la renaissance, y fussent représentés