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les proportions d’une calamité publique qui émeut tout le pays, et les dangers qui chaque année peuvent renaître inspirent sans doute un sentiment d’insécurité qui doit ralentir un peu le zèle des propriétaires. Ajoutez la dîme et les locations publiques, et vous aurez l’explication de l’état peu avancé de l’agriculture.

On a raconté dans la Revue[1] comment le lac d’Harlem avait été mis à sec et livré à la culture. On peut apprécier maintenant les résultats de cette magnifique entreprise. Sur les 18,500 hectares que contenait le lac, 16,822 ont été vendus au prix total de 7,798,700 florins, ce qui établit une moyenne de 463 florins par hectare. Aujourd’hui cette valeur a plus que doublé, et l’on vend couramment la terre au prix de 1,000 ou 1,200 florins l’hectare. Le fermage est de 35 à 50 florins, dont à déduire une dizaine de florins pour les contributions du polder et les charges diverses. Comme le lac desséché a été peuplé par des cultivateurs venus des différentes régions, on trouve ici tous les systèmes de culture, et l’on peut visiter successivement dans l’espace de quelques heures des fermes organisées à la manière du Brabant, de la Frise, de la Zélande, de la Hollande et de la Groningue; Chacun, s’efforce à l’envi de prouver par son exemple la supériorité des méthodes qu’il a apportées de sa province, ou qu’il a empruntées aux pays voisins. L’agronome assiste ainsi, dans cette vaste arène, à une sorte de concours agricole permanent, et il n’est point d’étude plus instructive. 17,402 hectares sont mis en valeur, dont la moitié environ est en herbages. Les produits des différentes cultures vont sans cessèrent augmentant. En 1860, le froment a donné près de 24 hectolitres, les féveroles 26, le colza 16, les pommes de terre 205 à l’hectare. La récolte totale a été estimée à peu près 2,700,000 fr., sans la valeur des produits du bétail, qui comprend 2,000 chevaux, 6,200 vaches, 12,500 moutons et 1,500 porcs, de telle sorte que cet ancien lac, qui ne rapportait rien autrefois, livre maintenant au pays un produit brut annuel d’environ 4 millions de francs. N’est-ce pas là un des plus beaux travaux dont un pays puisse s’enorgueillir, et l’un des plus éclatans triomphes des machines modernes ?

Pour compléter le tableau de la zone argileuse, il nous reste à visiter les terres d’alluvion qui occupent l’extrémité septentrionale du royaume depuis le Zuyderzée jusqu’au Hanovre. En quittant le lac de Harlem, prenons à Amsterdam le bateau à vapeur de Harlingen ; en moins de sept heures, il nous débarquera dans ce port, qui est le principal de la Frise, et qu’une voie ferrée relie déjà

  1. Voyez un des articles de l’intéressante série de M. Esquiros, Revue du 1er juillet 1855.