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nécessairement l’emploi de la température la plus élevée, c’est-à-dire 3,300 degrés, qui dévore toutes les couleurs, le cobalt excepté. Comme cet émail de la porcelaine dure ne saurait se ramollir que sous l’influence d’une chaleur très intense, il devint dès lors impossible de décorer autrement que par touches minces sans hardiesse, sans profondeur, et avec des tâtonnemens de feux multipliés à l’infini.

La porcelaine dure qui doit rester blanche a certainement une solidité que ne possède pas la composition qu’on appelle porcelaine tendre; mais pour l’art la supériorité est tout entière à celle-ci. Si donc la porcelaine dure veut sortir de l’impasse où Sèvres persiste à rester, si elle veut retrouver ses succès passés, il faut qu’elle fasse, comme en Chine, des mélanges de kaolin qui lui permettent d’allier un émail tendre à sa pâte : alors elle unira les avantages de la faïence à ceux du kaolin, avantages qui permettraient de conserver dans cette pâte fine toutes les délicatesses de la sculpture, sans qu’une épaisse et lourde glaçure vienne empâter les détails.

L’exposition nous offre plusieurs pièces destinées à imiter le vieux Japon. On sent tout de suite, en les voyant, que ces imitations, comme celles des fausses pâtes tendres de Sèvres, n’ont d’autre but que d’enrichir les marchands de bric-à-brac. Un connaisseur découvrira facilement la fraude, mais il n’en sera pas de même du public. Pour nous d’ailleurs, le mérite de cette fabrication est sensiblement diminué par la servilité même de l’imitation. On ne peut qu’applaudir tous ceux qui s’inspirent des belles choses que produisent les céramistes chinois et japonais, ces maîtres qu’on ne saurait trop étudier, mais à une condition, c’est que les élèves deviennent à leur tour des créateurs.

Quand on passe des porcelaines aux verreries, on remarque d’abord les produits de MM. Duponchet et Gosse. Ce qui caractérise surtout cette fabrication, c’est le désir d’imiter la porcelaine. Assurément le verre et la porcelaine se touchent de bien près; faites des verres opaques d’un côté, de l’autre des porcelaines transparentes, et la ligne de démarcation est franchie. A quoi bon? La transparence du verre n’en constitue-t-elle pas le mérite, la vertu? Pourquoi donc l’en dépouiller? Du café dans une tasse en verre et du vin dans une coupe de porcelaine nous semblent déplacés. Tous ces renversemens d’idées, par lesquels on croit faire du nouveau, ne sont que de l’anarchie; c’est la route fausse, c’est le non-sens, comme disent les Anglais. Que nos fabricans y prennent garde, l’exposition de Londres nous a fait voir par comparaison l’avance qu’aujourd’hui l’Angleterre a sur nous dans la fabrication du verre. Les salles de Kensington, où l’on vit réunis les plus merveilleux échantillons des verres qui se fabriquaient à Tyr, à Sidon, à Byzance, à Bagdad