Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/997

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’absence du tourmenté, du compliqué, qui est le type de notre moderne fabrication. Il y a là un souvenir des meilleurs groupes de Versailles. De beaux enfans, des amours, c’est tout comme, grimpent après une sorte de palmier qui forme le candélabre. Tout cela, de grandeur naturelle et de vrai bronze, compose une décoration magistrale qu’on aime à citer.

Dans un genre tout opposé, les bronzes émaillés de M. Legost sont dignes d’attention. Quoique imités de ces émaux cloisonnés qui, depuis la prise du palais d’été de l’empereur de Chine, sont devenus presque communs en France, ils en diffèrent sur bien des points; ainsi l’émail cloisonné chinois, presque d’une seule pièce, a pour but d’imiter un vase en porcelaine. Le cuivre qui forme les alvéoles où se coule l’émail n’apparaît que comme une fine niellure. Ici au contraire le métal domine et enchâsse les émaux comme il le ferait pour des pierres précieuses. Les produits de ce travail s’appellent émaux affleurés, et non pas émaux cloisonnés. Nous avons remarqué particulièrement un petit chandelier à deux branches, d’une couleur exquise, et dont le travail est exécuté comme le serait une œuvre de bijouterie. On doit reprocher à M. Legost ses formes parfois un peu lourdes; mais, pour l’harmonie de ses couleurs, il ne mérite que des éloges. Ce qui frappe généralement, à vrai dire, parmi les bronzes exposés au Palais de l’Industrie, c’est moins l’absence que l’abus du talent, c’est l’effort et la recherche au lieu de la simplicité. Ainsi MM. Barbedienne, Delesalle, Carrier-Belleuse et tant d’autres ont assurément dans leur exposition des objets qui prouvent l’étude et le savoir-faire. Qu’y manque-t-il donc? Ce goût épuré, cette distinction que recherche une société autre que celle trop connue maintenant sous le nom de demi-monde. Nous préférons à ces objets pompeux le simple étalage d’un serrurier, M. Vigneron, qui nous montre dans un cadre des guirlandes de fleurs en fer relevées au marteau, des heurtoirs de porte, des girandoles et des clés en fer forgé et soudé sans brasure, d’une simplicité et d’un fini précieux.

Le goût prétentieux dont l’empreinte est si visible dans les meubles d’ornement et les bronzes se retrouve dans les étoffes et les papiers peints. Le petit nombre de spécimens qu’on rencontre en ce genre à l’exposition attirent l’œil par des tons durs et sans vibrations, qui rendent impossible toute harmonie. Les étoffes pour meubles, rouges, vertes, jaunes ou bleues, offrent comme nouveauté une imitation de dentelle noire qu’on croirait cousue sur l’étoffe. Les châles français révèlent, comme les papiers, la plus malheureuse entente des couleurs. On se demande comment des industriels qui ont sous les yeux ces cachemires de l’Inde, les plus beaux et les plus harmonieux du monde, lorsqu’ils ne sont pas faits d’après des dessins