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général Halleck, ancien élève de West-Point, appelé au commandement de l’armée de l’ouest après la retraite de Frémont, et aujourd’hui commandant en chef des armées fédérales ; le général Butler, ancien avocat dévoué aux intérêts de la faction démocratique, la plus hostile aux idées abolitionistes, aujourd’hui compté parmi ceux qu’on nomme les républicains noirs, c’est-à-dire parmi ceux qui sont les plus ardens pour l’œuvre d’émancipation !

Bien que beaucoup d’hommes influens aient passé du camp démocratique dans le camp républicain, il en reste encore beaucoup qui cherchent à rétablir la fortune d’un parti qui depuis Jefferson s’était habitué à exercer et à garder le pouvoir. Le mot d’ordre de ce parti est : the Union as it was (l’Union telle qu’elle existait), the constitution as it is (la constitution telle qu’elle existe). Ces formules commodes couvrent le dessein de faire la paix en rendant à l’esclavage toutes les garanties qui peuvent en assurer le développement et la sécurité : on veut d’abord battre le sud, puis lui ouvrir les bras et lui accorder tout ce qu’il lui plaira de demander ; les véritables vaincus seraient les abolitionistes et les républicains. On tournerait contre l’étranger les forces combinées des armées aujourd’hui rivales, et on effacerait dans de nouveaux combats les traces sanglantes de la guerre civile. Voilà de quels rêves, de quelles chimères se nourrit aujourd’hui le parti démocratique ! Pour reconquérir quelque popularité, il excite le patriotisme américain contre les gouvernemens européens, et critique avec amertume tous les actes du pouvoir qui peuvent soulever quelque résistance dans une partie de la population. Comme il arrive toujours pendant la durée d’une guerre, l’opposition est d’autant plus hardie et plus puissante que les échecs militaires sont plus nombreux et que les opérations deviennent plus lentes. A l’une des heures les plus sombres de la guerre civile, le parti démocratique obtint quelques victoires importantes dans les élections des états ; il réussit à faire nommer gouverneur de l’état de New-York l’un de ses chefs les plus influens, M. Horatio Seymour ; mais au même moment l’un des orateurs les plus habiles du parti, M. Vallandigham, perdait son siège au congrès dans les élections de l’Ohio, Dans l’état même de New-York, quelques jours après l’élection de M. Seymour, qui enfla beaucoup les espérances des démocrates, les républicains parvinrent à élire le speaker ou président de la législature de l’état à Albany. Telle était cependant alors l’irritation des partis hostiles, qu’Albany devint le théâtre des violences les plus regrettables. Des bandes venues de New-York envahirent l’assemblée et essayèrent d’intimider les républicains, Après quatre-vingt-dix scrutins, ceux-ci n’en firent pas moins triompher leur candidat, M. Morgan.