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inspirations en apparence étrangères à l’intérêt propre de la cité. Enfin l’esprit de liberté, cet esprit qui ennoblit tout ce qu’il anime, inspirerait une émulation féconde dans la poursuite de tous les progrès, et surtout des progrès intellectuels et moraux.

Quand au début de cette étude nous avons tracé le tableau de Paris tel qu’il existait au commencement du siècle, notre dessein était de le mettre en parallèle avec le tableau du Paris moderne dont nous avons successivement rappelé les transformations. Quel contraste! quel changement! C’est vraiment ici que l’on doit dire : Voyez et jugez ! Mais ne pouvons-nous aller au-delà? Par les résultats obtenus dans les soixante dernières années, n’est-il pas permis de juger des résultats qu’une période égale de temps promet et assure, alors surtout que les moyens d’action sont plus grands et le goût des améliorations plus vif. Ce n’est pas s’avancer beaucoup que de prédire pour cette époque l’entier achèvement de tous ces quartiers tracés d’hier et cependant déjà plus qu’esquissés, de l’Étoile, du Trône, de l’Observatoire, de Monceaux. Quand en 1899 la dette municipale actuelle sera amortie, c’est-à-dire au commencement du XXe siècle, il est permis d’assurer que la banlieue de Paris s’étendra jusqu’à Saint-Denis, Sceaux et Versailles. Dans cette immense enceinte sillonnée de locomotives, arrosée et purifiée par l’eau, rafraîchie par la verdure des parcs, enrichie par le développement de l’industrie, la moyenne de la vie se sera augmentée sans aucun doute grâce aux soins hygiéniques de toute sorte et aux progrès de la bienfaisance publique et privée. Les sacrifices financiers consentis pour obtenir de tels résultats sembleront minimes alors, et l’on s’étonnera peut-être qu’on ait fait des calculs d’économie d’argent quand il s’agissait d’économiser la vie des hommes. Nous entrevoyons et nous saluons toutes ces merveilles; mais à côté de tant d’avantages matériels nous en appelons d’autres : nous nous demandons quelle sera la situation morale et intellectuelle de ce Paris de 1900, de quel état social et politique il jouira. En même temps que plus de prospérité, de bien-être, de plaisirs, lui aura-t-on ménagé plus d’instruction et de liberté? Le culte de la propriété, de la famille, l’orgueil de la responsabilité personnelle, l’énergie du libre arbitre, ennoblissent les hommes. Si nous avons présenté quelques observations sur la tendance actuelle de l’administration qui apporte une sollicitude exclusive à l’embellissement de Paris, c’est que nous voudrions qu’on songeât encore plus à l’état moral de la société parisienne qu’à son bien-être matériel, et que nos descendans, avec tous les biens de ce monde, possédassent aussi les mâles vertus qui font les grandes nations et les peuples libres.


BAILLEUX DE MARISY.