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études toute idée d’ordre et d’uniformité. « Vous voulez, nous a-t-on dit, traiter nos écoles comme des casernes, mettre toutes les têtes dans un même moule; vous arriverez, par vos études trop réglementées, à étouffer chez les hommes toute spontanéité de l’esprit, à détruire chez les femmes les grâces simples et les vertus de leur sexe ! » Il serait facile de répondre à ces critiques que jamais le moule universitaire n’a déformé des têtes de génie. Si les esprits créateurs sont rares dans tous les temps et sous toutes les latitudes, ce n’est point aux règlemens scolaires qu’il faut s’en prendre. Quant aux trente mille élèves de nos écoles secondaires, aux dix ou douze mille étudians de nos dix-neuf universités, ils ne peuvent se passer de règles d’études. Il faut donc leur en donner; il faut surtout leur en donner qui soient conçues dans un esprit plus élevé et plus italien que ce qu’ont laisse en ce genre les anciens gouvernemens. Voilà ce qu’il est impossible que les Italiens ne finissent point par comprendre. Ils ont senti en toute chose le besoin de s’organiser, ils ne doutent point qu’une forte armée, bien disciplinée, ne soit nécessaire à leur existence et à leur gloire : ils en viendront certainement à être convaincus qu’une bonne organisation des études est une suprême nécessité pour le nouveau royaume d’Italie.


I

Quelques mots sur l’origine des universités italiennes doivent précéder l’examen de leur situation actuelle. Il ne s’agit pas ici, bien entendu, d’embrasser l’ensemble de leur histoire; ceux qui désirent la connaître en détail peuvent consulter les œuvres célèbres de Muratori, de Tiraboschi, l’histoire de Naples par Grimaldi, celle de l’université de Pise par Fabbroni, et, parmi les modernes, le livre de M. Cibrario sur l’économie politique du moyen âge, ainsi que l’histoire de l’école de Salerne par de Renzi. Nous voulons seulement, dans les antiques annales de nos universités, qui ont eu un si grand éclat au moyen âgé, chercher ce qui peut jeter quelque lumière sur les problèmes qui occupent l’Italie en ce moment.

Au début, nous trouvons le génie organisateur de Charlemagne, qui avait établi dans les principales villes de l’Italie des écoles de grammaire et de belles-lettres, et les avait principalement confiées aux évêques. Les papes, de leur côté, maintenaient dans les monastères le culte des lettres grecques et latines. A la fin du XIe siècle, une sorte d’école de médecine, dont l’origine paraît remonter à la plus haute antiquité, s’organise à Salerne sous la domination des conquérans normands. Cette école réunit des savans juifs, latins, arabes, et institue une étude de la médecine aussi régulière que l’époque le comportait; elle obtient une grande célébrité, et, un peu