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n’observent pas les engagemens contractés, il n’en résulte pas qu’ils perdent cette qualité et qu’on ait le droit désormais de la leur dénier. La France pourra réclamer par voie amiable ou coercitive l’exécution du traité, elle pourra chercher dans des représailles un dédommagement du tort qui lui sera fait, et, une fois la guerre engagée, conquérir par la force la souveraineté qu’elle a reconnue dans la personne de Radama II ; mais jusque-là il y aura pour toutes les puissances maritimes, de l’aveu de la France, un roi de Madagascar tout à fait indépendant.

En toute hypothèse, il faut croire qu’instruit par un triste passé notre gouvernement ne recourra pas aux expéditions militaires. On a vu demeurer sans effet toutes les opérations tentées sur le littoral. Brûler des villages, renverser des forts, c’est là un témoignage bien inutile de notre puissance. Les Hovas, sur leur plateau au milieu de l’île, sont à l’abri de nos coups, et attendent avec confiance que nos vivres épuisés et les ravages de la maladie nous forcent à évacuer le pays comme des vaincus. Atteindre les Hovas au cœur même de leur puissance, à Tananarive, est la seule chose sérieuse qui puisse être faite ; mais qu’on songe aux difficultés. On n’arrive à Tananarive qu’en gravissant successivement une série de montagnes étagées comme des degrés et coupées dans leurs interstices par des lacs et des rivières. Du point du littoral le plus rapproché, Tamatave, à Émyme, la distance est de 400 kilomètres, et pour être franchie elle exige quinze jours de marche. On traverse des forêts immenses où les arbrisseaux qui croissent sous les grands arbres et des haies de plantes sauvages opposent à chaque pas des obstacles presque insurmontables. Il faut monter et descendre des sentiers glissans, embarrassés de racines, de troncs d’arbres et de fragmens de rochers. On rencontre des champs de riz inondés d’où s’exhalent des miasmes qui empestent l’air, et le matin il s’élève du fond des vallées de lourds brouillards qui entretiennent l’insalubrité. Avant d’arriver au pays d’Angave, dont Tananarive est le chef-lieu, il faut gravir des mamelons couronnés de petits forts : un ennemi qui s’y logerait y serait inexpugnable. Tous les villages dans cette province sont entourés de fossés taillés à pic, de 2 à 3 mètres de profondeur et de largeur ; ils ont un mur d’enceinte, et souvent à une certaine distance d’autres fossés pour servir probablement de chemins couverts à leurs défenseurs. Enfin, sur le plateau de Tananarive, d’une étendue de 50 lieues du nord au sud-est et de 35 lieues de l’est à l’ouest, se trouvent les Hovas dans des camps retranchés. C’est de là qu’ils dirigent leurs expéditions contre les tribus qui veulent se soustraire à leur domination.

L’air est plus sain, dit-on, à Tananarive que sur les côtes. Toutefois M. Brossard de Corbigny, Mme Ida Pfeiffer et même le commandant