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le commandant Dupré y assista comme représentant de la France.

Sur ces entrefaites, M. Lambert, qui était en possession de la confiance du roi, vint en France. Il vit l’empereur Napoléon III et ses ministres ; il leur fit connaître les dispositions favorables du nouveau souverain de Madagascar; il montra Radama animé du désir de donner accès dans ses états à tous les progrès de la civilisation, et en témoignage il produisit les concessions agricoles, industrielles et commerciales que le jeune prince avait mises en ses mains. Les tendances du roi étaient telles que rien ne paraissait plus facile que de lui faire demander le protectorat de la France. Le gouvernement français accueillit ces communications avec un vif intérêt; cependant il ne voulut en user que dans une certaine mesure. Au lieu du protectorat qu’il aurait pu obtenir, il chargea le commandant Dupré de négocier un traité d’amitié et de commerce, et au lieu d’une exploitation directe des privilèges accordés à M. Lambert, il provoqua la formation d’une compagnie qui, sous son patronage, devait s’en charger.

Le traité d’amitié et de commerce fut signé le 2 septembre 1861. Loin de nous être fait assurer par cet acte quelques immunités particulières et exceptionnelles, nous y avons inséré la clause suivante : « Tous les avantages résultant du présent traité d’amitié et de commerce seront étendus de plein droit et sans traité particulier à toutes les nations qui en réclameront le bénéfice. » Ainsi la France appelle toutes les puissances maritimes au partage des immunités que nos précédens et l’influence qu’exercent quelques-uns de nos compatriotes à Tananarive auraient pu l’autoriser à conserver exclusivement pour elle. Rien de plus libéral, rien de plus généreux, et c’est là un changement radical de notre situation dans les affaires de Madagascar.

Les détails historiques où nous avons cru devoir entrer au début de cette étude ont prouvé que, depuis Louis XIV jusqu’à ce jour, la France n’a cessé d’invoquer ses droits de souveraineté sur cette île. A des intervalles plus ou moins longs, elle a fait des actes pour exercer ou constater ces droits; dans la dernière période, comprise entre 1830 et 1848, elle a très solennellement, à plusieurs reprises, fait réserve de ces mêmes droits. Il faut donc examiner ce que valait cette revendication.

En droit des gens pas plus qu’en droit civil, nul ne peut se faire un titre à soi-même. La découverte, la conquête, les traités, sont des actes dans lesquels une nation puise son droit sur un territoire. Lorsque les nations européennes, au XVe et au XVIe siècle, se lancèrent sur les mers pour agrandir leurs états et acquérir de nouvelles possessions, il fut admis qu’elles avaient un droit sur les terres que leurs navigateurs découvraient; mais ce droit n’était pas