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il fallait de l’artillerie de siège, car les canons dont on disposait ne pouvaient rien contre une maçonnerie aussi solide. Les Anglais et les Français, après un feu de mousqueterie bien nourri dirigé sur les embrasures et sur les servans des pièces, reconnurent l’inutilité de leurs attaques et l’impossibilité de pénétrer dans le fort. Leurs chefs les rallièrent sous la protection des bâtimens, et bientôt les ramenèrent à bord. Les Hovas, restés maîtres de la position, quoiqu’ils eussent perdu beaucoup de monde, proclamèrent leur victoire contre la France et l’Angleterre réunies. En signe de triomphe, ils étalèrent sur la plage, à la vue des équipages qui appareillaient pour retourner à Maurice et à Bourbon, les têtes des Anglais et des Français tombés sur le champ de bataille.

Ainsi donc cette opération militaire, quoique conduite avec vigueur et prudence par le commandant Romain-Desfossés, n’aboutissait, faute de moyens, qu’à un résultat insuffisant. Dès que cet événement fut connu en France, on jugea qu’une répression vigoureuse devait être infligée aux Hovas pour rétablir le prestige de nos armes. Le ministre de la marine organisa une expédition sur de très larges bases : trois mille deux cents combattans appartenant aux armes de l’infanterie, de l’artillerie et du génie, joints à des équipages de ligne, composaient les troupes de débarquement. La force navale qui appuyait l’expédition comprenait deux vaisseaux, deux frégates et des bâtimens de transport. Le commandement des forces de terre était confié au général Duvivier, qui avait acquis en Algérie une grande réputation d’énergie et d’habileté, celui des forces navales au capitaine de vaisseau Romain-Desfossés, qui avait à venger ses compagnons d’armes tués à Tamatave. Les instructions qui leur étaient remises indiquaient en termes précis le but que se proposait le gouvernement français. « Attaquer les Hovas à la côte orientale de Madagascar, où leur domination est principalement établie, où de récentes agressions, incomplètement vengées, nous appellent surtout à agir, détruire les ouvrages fortifiés élevés sur cette côte et frapper nos ennemis dans ces retraites où une longue impunité leur fait voir un sûr abri, tel est le but militaire que se propose le gouvernement. Vous ne perdrez pas de vue, général, ajoutait-on, que, pour donner à la France cette satisfaction d’honneur, la seule que vous ayez mission d’obtenir, pour la lui donner complète, il faut que chacun des coups que vous porterez soit décisif, que chaque combat soit pour nous un succès, pour les Hovas une défaite, une déroute manifeste[1].» Dans des instructions plus confidentielles encore, le ministre de la marine insistait sur ce point, que la France ne se proposait aucune occupation, aucune conquête, pas même la restauration de ses anciens établissemens.

  1. Instructions préparées pour le général Duvivier.