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d’assurer l’approvisionnement alimentaire en riz et en bétail de notre colonie de Bourbon, devaient inspirer confiance à nos alliés les Betsimsaracs, les Batanimènes, les Sakalaves, destinés un jour à nous servir d’auxiliaires, si nous voulions revendiquer nos droits sur Madagascar. Mayotte avait une valeur particulière. Non-seulement elle pouvait concourir à la réalisation de nos vues, mais de plus elle nous offrait la possibilité de créer un port de refuge à nos navires de commerce et à nos escadres au moyen d’une belle rade, qu’il était facile de défendre avec quelques travaux de fortification.

Cet état d’observation fut maintenu jusqu’en 1844; mais à cette époque survint un événement qui nous obligea de nous en départir. Une petite colonie de commerçans français et anglais, succursale en quelque sorte de Maurice et de Bourbon, s’était établie sur la côte est de Madagascar. Tamatave était le centre de ses affaires. Ces traitans respectaient les lois du pays et restaient étrangers aux querelles locales, afin de ne causer aucun ombrage au gouvernement soupçonneux de la reine Ranavalo. Ils avaient acquis des emplacemens plus ou moins importans et créé des comptoirs. Rien ne faisait prévoir un changement dans nos rapports avec les agens de Ranavalo, lorsque sans motif, sans aucun prétexte même déguisé, le gouverneur de Tamatave notifia aux traitans l’ordre de quitter le territoire dans le délai de quinze jours, à moins de se soumettre à une loi de la reine qui les obligeait de livrer leurs propriétés, de prendre le rang et le costume de la dernière classe de la population, de faire des corvées, d’être astreints à l’épreuve du tanguin en cas de délit, enfin de se soumettre à toutes les coutumes barbares du vasselage malgache. Contre une pareille menace, les traitans réclamèrent la protection des gouverneurs de Maurice et de Bourbon. Les gouverneurs répondirent à cet appel. Le capitaine de vaisseau Romain-Desfossés[1] avec le Berceau et la Zélée, le Commodore Kelly sur la frégate anglaise Conway, se présentèrent devant Tamatave. Ils demandèrent un sursis d’un an à l’exécution de la mesure. L’officier anglais invoqua les traités d’amitié qui existaient entre le gouvernement d’Émyrne et celui de la Grande-Bretagne : rien ne put ébranler la résolution des Hovas. Il fallut donc recourir à la force.

Les bâtimens ouvrirent leur feu contre le fort de Tamatave, qui répondit avec énergie. Au bout de deux heures, le feu de l’ennemi se ralentit. Alors des canots, formés sur une ligne, débarquèrent, malgré des décharges à mitraille, des soldats et des matelots des deux nations. L’assaut étant ordonné, ils s’élancèrent sous le feu des batteries, et en peu de temps se rendirent maîtres des ouvrages extérieurs; mais le grand fort restait à prendre : pour s’en emparer,

  1. Aujourd’hui amiral.