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LORD SUFFOLK A M. HARRIS.


Saint-James, 7 août 1772.

« Vous devez souhaiter de connaître la réponse que sa majesté a jugé à propos de faire aux communications qui ont été faites par le gouvernement polonais à M. Wroughton, à Varsovie, et ici à moi-même. Ces communications n’avaient pour but que de faire appel, en termes généraux, aux bons offices et à l’intervention du roi, mais sans aucune allusion à un traite ou à une garantie. La réponse, qui a été faite ici et qui sera donnée à Varsovie, est verbale ; elle tend à démontrer combien toute intervention officielle serait inefficace dans l’état avancé des choses ; mais, quoiqu’il ressorte de notre langage que sa majesté ne considère pas cette affaire comme étant d’une suffisante importance actuelle pour justifier une action préventive, cependant il n’y a pas eu un seul mot prononcé dont on puisse inférer que le roi donne la moindre approbation à ce qui s’est fait, et qui puisse autoriser le moins du monde la supposition de son indifférence.

« Vos informations ont toute l’apparence d’une grande exactitude, et je les reçois avec beaucoup de confiance. Vos observations sont très judicieuses, et j’en suis fort satisfait. Je n’ai aucunement l’intention d’en gêner l’expression en vous faisant connaître les avis différens que je reçois d’ailleurs. S’il faut en croire les protestations du ministre de Russie, le plan de partage est, encore aujourd’hui, loin d’être définitivement arrêté. Il va jusqu’à insinuer que, s’il existe quelque projet de ce genre, c’est une affaire d’avenir dont la mise à exécution est fort éloignée. Je ne vous donne pas cela comme méritant grande confiance. Je désire seulement tenir informé un ministre qui se conduit avec autant de vigilance que vous, et qui, soit dit sans compliment, possède toutes les qualités qui vous rendent si éminemment propre à servir utilement le roi. »


M. Harris insiste énergiquement et en homme sûr de lui-même.


Berlin, 22 août 1772.

« Je serais très malheureux que des informations venant de moi pussent induire votre seigneurie en erreur, et j’ai grand soin, dans tout ce que j’écris, de me borner, autant que je le puis, aux faits bien authentiques ou aux conclusions qu’il est naturel d’en tirer. Votre seigneurie, je le sais, fait la part du singulier mystère avec lequel cette affaire est conduite par sa majesté prussienne, et par ce motif me pardonnera, j’en suis sûr, si mes informations ne sont pas toujours aussi exactes qu’elles devraient l’être. Malgré les protestations de M. Mouschkin Pouschkin[1], je dois avouer à votre seigneurie que je regarde le plan du partage de la Pologne non-seulement comme arrêté, mais encore comme à la veille de recevoir son exécution. Le courrier autrichien de Pétersbourg est passé ici mercredi 19 en route pour Vienne, et, si j’en crois ce que j’apprends d’une personne gé-

  1. Ministre de Russie à Londres.