Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces progrès se sont accomplis avec ensemble, avec un succès à peu près égal, bien que dans des voies différentes. Il n’en sera plus ainsi désormais, et l’on peut dire, quelle que soit la valeur des talens qui apparaissent après les quinze ou vingt premières années, qu’il n’y a plus, à partir de ce moment, que des témoignages isolés, des artistes inégalement habiles, là où s’étaient produits d’abord des travaux simultanément inspirés et les efforts, heureux de, toute une école.


II

A l’époque où le gouvernement de juillet succédait au gouvernement de la restauration, la révolution commencée depuis quelques années dans le domaine de l’art venait aussi de s’achever. Elle assurait au parti de l’opposition, au parti romantique sinon un pouvoir sans contrôle, au moins une autorité assez généralement reconnue pour qu’il pût maintenant prendre la direction des affaires et exercer sur la marche de l’école une influence décisive. On sait toutefois ce qui arriva. Ce parti si entreprenant naguère, hardi dans l’attaque parut, en face de la victoire, embarrassé de son nouveau rôle et comme décontenancé par le succès. A l’exception d’Eugène Delacroix, qui, une fois le terrain conquis, s’y installa et s’y comporta en maître, ceux qui avaient le plus activement coopéré à la défaite de l’ennemi hésitèrent si bien à profiter de leurs avantages qu’ils négligèrent même de se prémunir contre un retour agressif : aussi, le moment ne tarda-t-il pas à venir où ils durent à leur tour se défendre tant bien que mal et lâcher pied. Ce qui, à partir de 1830 à peu près, survit dans la peinture des doctrines et des entreprises récentes n’a donc, en dehors des tableaux de Delacroix, qu’une importance contestable, un éclat qui n’est déjà plus qu’un reflet des audaces trahissant au fond la lassitude. Il n’en va pas autrement de la lithographie au lendemain du jour où la révolution a eu gain de cause. Même inertie dans les talens et dans les œuvres, même défiance apparente succédant à des témoignages de confiance excessive, des tentatives intrépides jusqu’à la témérité.

En apparaissant à ce moment, Decamps arrivait avec autant d’à-propos pour ses propres succès, que pour l’honneur d’un art qui menaçait de dépérir là même où la sève avait été d’abord le plus abondante et la vie le plus active. Bien des talens en effet, applaudis par tous au début, s’étaient arrêtés en route, bien des vides s’étaient faits dans les rangs de ceux qui avaient le plus sûrement contribué aux premiers progrès de la lithographie. Géricault et Bonington étaient morts ; Horace Vernet, tout entier à ses travaux de peinture, ne devait plus reprendre le crayon que dans quelques