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la mise en œuvre. Toute proportion gardée, entre la différence des époques et les ressources si inégales des moyens employés, on peut dire que le genre d’habileté propre à Achille Devéria continue ou rappelle en quelque chose les traditions de la vieille école de Fontainebleau, et s’il fallait retrouver les ancêtres de ce brillant talent, ce serait surtout, à ce qu’il semble, parmi les disciples du Primatice qu’il conviendrait de les chercher. Devéria n’a-t-il pas hérité de ceux-ci l’abondance, sinon la profusion des intentions pittoresque, le don des agencemens faciles, l’inclination à la grâce même immodérée, même empruntant, sous le prétexte de s’affirmer davantage, les formes de la convention ?

Triste et singulier contraste toutefois ! ces facultés qui semblaient exiger pour se produire à souhait les grandes tâches et les grands espaces, ces qualités qui, en d’autres temps, auraient pu se manifester avec éclat dans des travaux de décoration monumentale, on est réduit à les pressentir, à en surprendre çà et là les indices dans une multitude de petites œuvres publiées au jour le jour pour les besoins du commerce ou pour l’amusement des oisifs. A l’exception d’un certain nombre de lithographies sur divers sujets appartenant à la jeunesse de l’artiste, c’est même en dehors des scènes de pure invention, c’est parmi des travaux où l’imagination n’a qu’un rôle et une part secondaires qu’on trouvera les témoignages les moins équivoques, les meilleurs spécimens d’une manière, si bien faite en apparence pour les inspirations de la fantaisie. Les portraits en, pied ou en buste, dont le nombre est considérable dans l’œuvre de Devéria, nous semblent, en effet, résumer les mérites principaux et constituer la partie la plus remarquable du recueil. A ne juger que les qualités communes aux pièces dont s’est successivement composée la série, ces portraits se recommandent par l’extrême adresse de l’exécution, et là où les personnages sont représentés en pied, par une véritable hardiesse dans le jet, dans l’expression générale des figures. Ils ont en outre cela de particulier qu’ils nous transmettent dans une suite sans lacune les images authentiques de tous ceux qui, à quelque rang que ce soit, ont participé vers la fin de la restauration aux entreprises de l’armée romantique, — depuis les chefs de corps jusqu’aux simples porte-drapeaux et aux sous-officiers, depuis les hommes dont la plume ou le pinceau passionnait les salons et les ateliers jusqu’aux acteurs chargés de porter la lutte sur un autre terrain et d’intéresser la foule au succès de la nouvelle cause.

Est-ce tout néanmoins, et la facilité de crayon, la signification historique une fois constatées, les portraits lithographiés par Devéria ne sauraient-ils réclamer l’attention à d’autres titres ? Beaucoup