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partie de l’ouvrage consacré à ces deux provinces. Les lithographies où il a représenté la Rue du Gros Horloge à Rouen, l’Eglise de Saint-Gervais et de Saint-Protais à Gisors, les églises de Brou et de Tournus, d’autres monumens encore : non pas qu’on y reconnaisse, comme dans une élévation qu’aurait tracée un architecte, l’étude patiente de chaque forme, l’imitation achevée de chaque détail, mais parce qu’on y sent le goût et la main d’un peintre habile à saisir et à rendre la physionomie générale de son modèle, à la présenter sous son meilleur jour, à voiler, s’il le faut, des beautés secondaires pour mettre d’autant mieux en lumière celles qu’il importe surtout de monter. Cette science des sacrifices, si adroite déjà là ou Bonington n’avait à interpréter que les œuvres de l’architecture ou les données d’un paysage, on la retrouve, et peut-être sous des dehors plus délicats encore, dans les lithographies où il a groupé quelques personnages vêtus la plupart du temps à la mode vénitienne du XVIe siècle, et portant ces étoffes chatoyantes chères aux coloristes de tous les pays. D’ailleurs, ne cherchez ici ni des intentions morales très ingénieuses ou très profondes, ni des sujets fort imprévus. Il s’agira simplement d’une conversation entre gens assis ou se promenant sur quelque terrasse aux balustres et aux escaliers de marbre; il s’agira d’un concept, d’un repas ou de telle autre scène, aussi peu dramatique. Les lithographies de Bonington n’ont qu’une signification purement pittoresque, un charme tout extérieur; mais ce charme résulte d’une harmonie si facile rentre les diverses parties du travail, la valeur relative, des tons est indiquée avec une telle légèreté dans la pratique, avec un si vif instinct de l’effet, qu’on passe aisément condamnation sur le reste, et que l’on n’a pas le courage de reprocher à ces gracieuses petites pièces ce qui leur manque du côté de l’invention proprement dite et de la variété dans le choix des sujets.

L’uniformité des thèmes, qui suffisait à Bonington pour donner la mesure de son habileté, n’est pas, tant s’en faut, une habitude caractéristique de la manière d’Achille Devéria. Il semble, au contraire que cet infatigable artiste ait pris à tâche de ne laisser hors de la portée de son crayon rien de ce qui pouvait servir d’occasion ou de prétexte à une composition achevée ou à un croquis. Sujets de sainteté, de mythologie et d’histoire, portraits, scènes de mœurs, monumens archéologiques, et jusqu’aux ornemens de fantaisie pour l’illustration des livres, il a tout abordé, tout interrogé, tout traduit; bien souvent, nous l’avons dit, au préjudice d’un talent qui ne laissait pas de se compromettre en se prodiguant ainsi, mais souvent aussi avec une ampleur remarquable dans le sentiment et dans