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américain et la France. Puisqu’enfin nous sommes au Mexique et que nous ne pouvons espérer de nous en dégager graduellement que par rétablissement de l’empire au profit de l’archiduc Maximilien, le bon sens et l’habileté consisteraient à détourner et à reculer le plus loin possible dans l’avenir les difficultés inhérentes à notre situation. La guerre civile n’est pas près de finir en Amérique, et semble devoir nous laisser le temps nécessaire pour poser les bases du nouvel établissement mexicain. Une fois la guerre civile terminée, surtout si la paix devait être prochaine, les périls de notre entreprise sont manifestes. La passion populaire américaine se détournerait du Canada pour se porter sur le Mexique. Dans un pays où le pouvoir appartient au dernier enchérisseur de flatteries adressées aux passions populaires, la présidence irait vite au parti le plus hostile à la nouvelle constitution mexicaine. Les élémens militaires survivront à la guerre civile ; il restera une multitude de généraux et d’officiers sans emploi ; mille influences pousseront le pouvoir à faire triompher par les armes la doctrine de Monroë. Admettons cependant que le gouvernement américain soit assez modéré pour résister à des impulsions si naturelles ; les aventuriers que la paix aura laissé inoccupés ne tenteront-ils pas l’entreprise sans lui ? n’aurons-nous pas à résister aux coups répétés du flibustiérisme le plus vaste, le plus énergique, le plus effréné qu’on ait jamais vu ? De telles appréhensions ne sont que trop fondées. Un dangereux et laborieux antagonisme avec les États-Unis, telle est la perspective que place devant nous le résultat de l’expédition du Mexique. La question est de savoir si, au lieu de l’éloigner le plus possible dans l’avenir afin d’avoir le temps de quitter le Mexique avant qu’il n’éclate, nous irons le provoquer sur-le-champ en reconnaissant les états confédérés et en allant au-devant d’une guerre avec les États-Unis, guerre cruelle, où la victoire même nous serait fatale, puisqu’elle détruirait une des créations de la politique française les plus fortes et les plus utiles à notre pays.

Il importe que des résolutions immédiates et qu’un parti énergique soient pris sur ce point ; il importe que la politique française renonce le plus tôt possible aux fantaisies de partialité qu’elle a jusqu’à présent témoignées à la cause des séparatistes. Nous ne croyons certainement point que le gouvernement français veuille, comme de fausses rumeurs l’ont prétendu, reconnaître le sud ; mais il ne suffit pas que cette faute soit évitée pour le présent. Ce qui est nécessaire, c’est que l’on quitte une pente qui mènerait, sans qu’on s’en doutât, plus tôt qu’on ne voudrait, à un conflit avec l’Union américaine. Ce qui est nécessaire, c’est que nous n’ayons pas le chagrin de voir les journaux mexicains publiés sous notre patronage parler de la reconnaissance du sud par le Mexique, et peut-être la honte de laisser compromettre la politique et les intérêts séculaires de la France par la poignée d’émigrés que nous avons conduits à Mexico à la queue de notre armée. Il nous paraît singulièrement impertinent qu’il soit parlé à Mexico de la reconnaissance des états confédérés avant que le nouveau gouvernement