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naient sur la situation. Cette incertitude a été levée par les déclarations présentées à la chambre des lords et à la chambre des communes dans les derniers jours de la session du parlement anglais. Depuis lors, il a été visible que la guerre n’était pas possible, au moins cette année ; depuis lors, comme nous l’avons indiqué, il n’y avait plus à suivre à l’égard de la Russie qu’une politique d’observation et d’attente, politique réservée et silencieuse. Depuis lors aussi, on ne pouvait plus attacher une grande importance aux documens diplomatiques échangés entre la Russie et les puissances. Le débat était interrompu pour le moment ; il fallait attendre quelques mois pour voir s’il pourrait être repris avec avantage.

Placés à ce point de vue, nous avouons que les dépêches annoncées et attendues du prince Gortchakof ne nous inspirent aucune curiosité impatiente. Le ministre de Russie aurait pu se dispenser de répondre aux dernières notes qui lui ont été adressées. Nous doutons d’ailleurs qu’il y ait répondu longuement. Peut-être même eût-il gardé un silence qui, de sa part, eût été plus digne et plus habile, si sa passion de polémique n’eût été émoustillée par un mémorandum joint à la dépêche française. Ce mémoire est consacré, dit-on, à l’interprétation des stipulations du traité de Vienne relatives à la Pologne et à l’affirmation du droit qu’ont les puissances signataires de veiller à l’exécution de ces stipulations. La question, comme on voit, n’est pas neuve. Le traité de Vienne n’ayant pas rétabli l’intégrité de la Pologne, ayant laissé en dehors du royaume formé avec le grand-duché de Varsovie les provinces que la Prusse, l’Autriche et la Russie tenaient du premier partage, les négociateurs de Vienne s’occupèrent de la Pologne à deux points de vue : au point de vue du royaume proprement dit et au point de vue des provinces démembrées. Il fut décidé que le royaume aurait une existence et une constitution distinctes, et que les provinces seraient dotées d’institutions particulières par les puissances entre lesquelles elles étaient divisées. Le traité de Vienne stipule à ces deux titres pour le royaume et pour les anciennes provinces polonaises. Les archives de la France et de l’Angleterre ont à ce sujet, dans les correspondances de leurs représentans au congrès de Vienne, des explications complètes sur l’esprit et la portée du traité. Lord Russell, dans une de ses récentes dépêches, empruntait à cet ordre de documens une déclaration de lord Castlereagh qui a été remarquée. Nous sommes certains que le prince de Talleyrand, qui avait la question polonaise à cœur, n’a pas non plus laissé notre chancellerie désarmée sur ce point. Lorsque le mémorandum de M. Drouyn de Lhuys sera publié, ou verra sans doute que la France a dû tirer profit des termes du traité, expliqués et commentés par le négociateur français. Au surplus, nous le répétons, il n’y a rien de nouveau dans cette interprétation du traité de Vienne, où les puissances puisent le droit d’exiger qu’une constitution soit donnée au royaume, et que des institutions particulières soient données aux provinces. Depuis 1831, lord Palmerston a établi cette