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question enterrée, lorsque M. Rouher, en quittant le ministère du commerce, obtint la signature impériale pour la réforme qu’il avait prise sous son patronage.

Le décret du 22 juin est radical : il abolit la limitation du nombre des boulangers, la taxe officielle du pain, les règlemens de fabrication, l’approvisionnement obligatoire et le cautionnement en argent. Le système primitif de la compensation est transformé par un second décret publié le 1er septembre, au moment même où le nouveau régime commercial était inauguré. Au lieu d’un nivellement des prix opéré par des avances et des reprises, un droit d’octroi sera prélevé à l’entrée sur le blé, les farines et le pain. Cette taxe a été calculée de manière à grever d’un centime chaque kilogramme de pain[1]. La limite de la nouvelle compensation est fixée à 50 centimes. Dès que ce prix sera atteint, la perception sera suspendue, et pour que ce prix ne soit pas dépassé, l’appoint sera fourni aux boulangers au moyen du fonds capitalisé. La caisse de la boulangerie, dont le personnel est réduit de moitié, est maintenue pour la mise en œuvre de ce système. Elle conserve sa dotation de 20 millions, et le centime d’octroi lui procurera un revenu d’à peu près 3 millions, qu’elle aura rarement occasion d’employer, car il n’est guère à craindre, avec la liberté du commerce, que le prix du kilogramme de pain dépasse 50 centimes à Paris. On avait parlé d’une taxe officieuse, qui devait remplacer la taxe obligatoire; on en a reconnu les dangers avant de l’avoir mise à l’essai. On se contente de la dresser dans les bureaux comme moyen de contrôle, sans renoncer au droit de la publier, si on le jugeait opportun. La part d’intervention que se réserve l’autorité, si réduite qu’elle soit, donnera lieu sans doute à des embarras; mais on aurait mauvaise grâce à critiquer une expérience à peine commencée. La lumière de la liberté s’est faite si brusquement, qu’on en est encore à se frotter les yeux.

On voit comment la réforme s’est produite : la boulangerie l’a rendue inévitable par ses plaintes. On ne pouvait ni conserver l’ancien système, ni l’améliorer ; on ne pouvait pas rendre le monopole avantageux en sacrifiant le consommateur. Une seule chose était possible : la liberté. Il faut insister sur ce fait, parce qu’il dispenserait de toute autre réponse à ceux qui demandent avec une nuance d’ironie ce que l’on va gagner au régime nouveau. D’ailleurs la

  1. La taxe est de 1 centime sur le blé et le pain, et de 1 centime 1/3 sur la farine. Le blé perd, par l’extraction du son, 30 pour 100 de son poids, qu’on suppose remplacé dans le pain par 30 pour 100 d’eau. Voilà pourquoi on dit communément que 1 kilogramme de blé correspond à 1 kilogramme de pain. On comprend pourquoi la farine est surtaxée dans la proportion de 30 pour 100.