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les livres de polémique ; ils ont pour effet ou du moins pour but de raffermir les fidèles dans leur foi. On peut ranger parmi eux un certain nombre de petites brochures consacrées aux récits de miracles ou à des spiritualités qui offensent le bon sens et ne sont pas toujours sans inconvénient pour la morale. Ces publications alimentent la polémique des incrédules contre les religions positives ; elles sont désavouées et regrettées par tous les esprits éclairés ; elles ne font guère de mal qu’à la cause qu’elles prétendent servir. Restent les ouvrages de morale, et ils forment plus de la moitié des publications religieuses. Beaucoup de livres de piété sont évidemment des livres de morale sous une forme particulière. Cette statistique sommaire suffit pour montrer la vanité des alarmes de certains esprits; la propagande religieuse tourne à la propagande de la morale humaine : elle répand le goût et l’habitude de la lecture; elle doit être en somme acceptée comme un bienfait, même par les incrédules. Il faut être bien aveuglé par les préjugés pour se plaindre de la quantité des publications religieuses, quand on est partisan de la liberté de l’imprimerie et de la librairie. Pourquoi donc aimez-vous la liberté, si vous la croyez si terrible? Et comment l’aimez-vous, si vous la croyez compatible avec des exclusions ? Les protestans, qui donnent une bible à chaque couple dont ils bénissent l’union, ne rendent pas seulement service au protestantisme, mais à l’humanité. Pourquoi les communions chrétiennes n’ont-elles pas la pensée de faire imprimer à des millions d’exemplaires le sermon sur la montagne en forme de tableau illustré, et de le répandre dans toutes les chaumières à la place de ces grossières images dont le seul tort n’est pas toujours d’offenser le bon goût? Avec quelle ardeur les libres penseurs n’apporteraient-ils pas leur obole pour concourir à cette œuvre bénie?

Nous dirons un mot de la propagande des livres par l’état. Elle nous plaît moins. Nous ne voulons pourtant pas la repousser, pourvu qu’elle coexiste avec la liberté et l’action individuelle. La liberté est un remède à tout. Il y a cette première différence entre l’action de l’état et celle d’une communion religieuse, que la communion religieuse défend un dogme, et l’état une politique. La religion, quoi qu’elle fasse, parle toujours aux hommes de Dieu et du devoir; la politique, même la plus pure, parle presque toujours à leurs passions. On dira que l’état se mettra au-dessus des questions de partis, qu’il dédaignera les controverses. Cette réponse n’est pas sérieuse. L’état ne parle pas lui-même; ceux qui gouvernent parlent pour lui, et confondent dans leurs écrits leurs intérêts avec les siens. Prenez garde que de petits livres publiés par l’état, quel que soit d’ailleurs le gouvernement, ne seront jamais qu’une forme nou-