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La fermentation alcoolique n’est pas la seule que puisse éprouver le sucre : tout comme la levure de bière se forme quand l’infusion sucrée se dédouble en alcool et en acide carbonique, le ferment dit lactique prend naissance chaque fois que du sucre est chargé en acide lactique (ou acide du lait). Ce ferment a une organisation très rapprochée de celle du ferment alcoolique. C’est une substance grise, visqueuse, formée de petits globules ou d’articles courts, isolés ou accolés, constituant des flocons irréguliers. Le ferment lactique se montre de préférence dans une liqueur sucrée albumineuse, neutre ou un peu alcaline. Dans la fermentation qui s’établit alors, il ne se forme pas seulement de l’acide lactique ; les produits de la décomposition sont bien plus complexes encore que dans le cas de la fermentation alcoolique : il se fait, outre l’acide du lait, de la mannite, de la gomme, de l’acide butyrique ou acide du beurre, de l’alcool, de l’acide carbonique et de l’hydrogène, le tout en proportions très capricieuses.

Le ferment qui sert à transformer le sucre ou l’acide lactique en acide butyrique n’est pas un végétal, c’est un petit infusoire qui mérite une mention toute spéciale : il se montre sous forme de petites baguettes cylindriques, arrondies aux extrémités, isolées ou réunies en chaînes de plusieurs articles. Ces baguettes avancent en glissant, pirouettent, ondulent, flottent en tout sens dans les infusions, et s’y reproduisent par fissiparité. Ces animaux, qui sont des vibrions, peuvent, comme le ferment alcoolique, être semés dans des liquides qui ne renferment que du sucre, de l’ammoniaque et des phosphates : ils y vivent et s’y propagent en tirant directement toute leur nourriture de substances cristallisables et minérales; mais le point de leur organisation qui mérite le plus d’éveiller l’attention est celui-ci : ces vibrions jouissent de la propriété de vivre et de se multiplier à l’infini sans qu’il soit besoin de leur fournir un seul atome d’oxygène libre. Non-seulement ils peuvent vivre sans air, mais l’air les tue.

Cette propriété singulière distingue essentiellement les mycodermes des vibrions : les premiers, M. Pasteur l’a montré, sont des êtres qui se nourrissent sans cesse d’oxygène, et qui l’empruntent