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qu’il s’agit d’exhausser[1]. À la baisse des eaux, l’été, la superficie nouvelle recouvre le fond de vase, et au bout d’une dizaine d’années l’accumulation des détritus végétaux et du limon a recomposé un pâturage. De cette manière, dans l’espace d’un temps assez court, on voit au même endroit paître les vaches, exploiter de la tourbe, pécher du poisson et de nouveau courir le bétail.

On comprend que les produits de la région que nous venons de décrire ne doivent pas être des meilleurs, et l’on n’a rien fait pour les améliorer. Le terrain est resté tel que la nature l’a formé. On voit ici l’image de ce qu’était toute la contrée qui environnait jadis le lac Flevo, et que les tempêtes du XIIIe siècle ont engloutie en donnant naissance au Zuyderzée. Ce qui a empêché de faire les digues et les moulins nécessaires pour abaisser le niveau des eaux et obtenue ainsi de meilleurs herbages, c’est le régime de propriété auquel ces terres étaient soumises. De grandes étendues étaient possédées en commun par les habitans ; on retrouve même encore les traces de l’ancienne coutume germanique indiquée par Tacite dans ce passage, qui a donné lieu à tant de débats : area per annos mutant et superest ager. Le domaine commun est divisé en parts à peu près égales que chacun des ayant-droit possède tour à tour, de telle manière que, quand la rotation est accomplie, tous ont joui successivement de tout le bien. L’égalité de jouissance est ainsi établie d’une manière rigoureuse. Sans doute les copropriétaires indivis auraient pu s’entendre pour faire exécuter les travaux d’assainissement ; mais, soit défaut d’argent, soit manque d’initiative, ils n’en ont rien fait. L’hiver, à peu près tout le pays est inondé, et même dans les étés humides il est impossible de faire les foins ou de mettre les troupeaux au pâturage. Sur la route de Zwolle, vers la Frise, avant d’arriver à Staphorst, on peut bien observer la nature de ces prés, toujours imbibés d’eau. Les rhinanthus aux clochettes jaunâtres, les pédiculaires avec leurs charmans épis de fleurs roses, les ériophorums surmontés de leurs flocons cotonneux, couvrent complètement le sol par endroit, et forment çà et là des

  1. Dans ces dernières années, on a fait des dryftillen un emploi nouveau et très curieux dans les deux plus grands ouvrages hydrauliques exécutés en Hollande, les digues du lac de Harlem et les jetées qui forment le port du Zwolsche-diep. Celles-ci s’avancent de près de 6,000 mètres dans le Zuyderzée. Après avoir fait le coffre des jetées avec des pilotis et du bois, l’ingénieur van Diggelen eut l’idée de les remplir avec des dryftillen. On découpait les gazons flottans sur une longueur de 15 mètres et une largeur de 2 dans les lacs de Wanneporveen ; quatre hommes se plaçaient sur un radeau végétal et l’amenaient jusqu’aux jetées, où on le coulait sur place en y superposant de grosses pierres. Les terres de remblai se transportaient ainsi elles-mêmes, et les digues, revêtues de clayonnage, ont parfaitement rempli leur office. On a fait de la même manière le petit port de refuge Kraggenburg, qui s’ouvre à l’extrémité du Zwolsche-diep. Au lac de Harlem, on s’est servi des dryftillen pour les fondemens des digues dans les endroits les plus tourbeux et les plus difficiles.