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tenue tenue les produits depuis l’ouverture des communications à vapeur avec l’Angleterre. Les pâturages, dans le Greidstreck, se louent maintenant de 170 à 210 francs l’hectare. À ce prix, le bénéfice que le cultivateur peut réaliser n’est pas considérable, d’autant plus que l’épizootie n’a pas complètement disparu, ainsi qu’on peut s’en convaincre en voyant le nombre d’écriteaux de sinistre augure qui, attachés à la barrière d’entrée des fermes, signalent aux passans que la maladie y règne. En 1858, elle enleva encore plus de 4,000 bêtes à cornes, c’est-à-dire 2 pour 100 du chiffre total que possède la province. La durée des baux n’est en moyenne que de sept années, et à l’expiration du contrat les locations se font souvent à l’enchère, parce que le propriétaire n’a pas à craindre ici qu’on épuise le sol, comme on peut l’appréhender pour les terres labourables. Ainsi dans les pâturages du Pô, comme dans ceux du Zuyderzée, le même genre de culture a amené le même système d’amodiation avec les mêmes conséquences fâcheuses pour le locataire, et en Frise non moins qu’en Lombardie on entend plus d’une plainte à ce sujet. D’autre part, il faut l’avouer, la vie du fermier frison de la région verte est très facile; ce n’est qu’à l’époque de la fenaison qu’il doit déployer une activité exceptionnelle. Le reste du temps, la reine du logis, la fermière au diadème d’or, gouverne l’atelier de la production agricole, c’est-à-dire la cave à lait et la baratte. Le mari visite les marchés, les amis, les champs de course, ou dresse ses trotteurs. Il ne néglige point non plus la culture de l’esprit, qu’il a naturellement vif et ouvert. Il est fier de ses antiques libertés, de sa langue originale, de ses noms qui, avec leurs sonores finales en a, rappellent le gothique, de la noblesse de sa race, qu’il croit être la première de la grande famille germanique; il cite avec orgueil les illustrations nées sous le toit du Idem frison, les deux poètes Gysbert Japihs et Salverda, l’illustre philologue Tiberius Hemsterhuis et son fils Frans, l’aimable et profond philosophe que Mme de Staël se plaisait à appeler le Platon hollandais. En somme, la condition des fermiers est encore loin d’être mauvaise. Leurs domestiques et leurs servantes, qui gagnent les uns passé 200 francs, et les autres 150, avec une bonne nourriture, ne sont pas non plus à plaindre; mais le sort des ouvriers est moins heureux. Quoique leur salaire monte l’été à 1 florin, et même plus haut encore au temps des foins, l’hiver ils échappent difficilement à la misère, parce qu’alors l’ouvrage manque complètement. Nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, ce n’est pas d’ordinaire dans les pays de bonnes terres que le simple ouvrier agricole a l’existence la moins dure, sauf quand l’industrie vient à offrir à ses bras un surcroît d’occupation.