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faut ajouter encore 1 million de francs, produit de la vente de plus de 2 millions de kilos de fromage ordinaire, lappe-kaas, aussi exporté en Angleterre pour la consommation des ouvriers des houillères. Il est curieux de voir aux balances municipales des principales villes la masse innombrable de petits tonnelets de beurre qui y arrivent. Ces tonnelets, faits en chêne de Russie, sont examinées, dégustés par un expert-juré, puis on les pèse pour voir s’ils ont le poids légal de 20 ou 40 kilos; marqués aux armes de la ville, on les dirige ensuite vers le port de Harlingen, d’où un steamer les emporte vers les bords de la Tamise. On ne peut se figurer tout ce que demande Londres, ce géant aux trois millions de bouches à qui clés centaines de navires et des milliers de wagons doivent apporter chaque jour ce qu’il faut pour satisfaire ses immenses besoins. Indépendamment du beurre, du fromage, du bétail, la Frise lui expédie de la chicorée, des pommes de terre, des pommes, des quantités de groseilles, du millet (phalaris canariensis), qui sert à faire de l’empois pour les cotonnades, de l’avoine, du colza, et jusqu’à de petits coquillages de mer (alikruiken) dédaignés même par les pêcheurs.

Depuis quelques années, la fertilité du Greidstreek a été notablement augmentée par l’emploi d’un procédé tout local et que nous ne pouvons passer sous silence. Dans les provinces de Frise et de Groningue, tout le long de la Mer du Nord, sur le terrain d’alluvion, on rencontre de distance en distance de petits monticules hauts de 4 à 6 mètres, sur lesquels sont parfois bâtis des villages, comme par exemple Warffum et Holwierda. Ces monticules, appelés dans le pays wierden ou terpen, ont été faits de main d’homme, et quand on les creuse, on y trouve, outre des couches successives de fumier, des objets qui remontent à l’époque du bronze et peut-être même à celle de la pierre[1]. On y a aussi déterré quelques antiquités carthaginoises qui montrent qu’en un temps bien reculé ces hardis navigateurs avaient débarqué sur cette côte lointaine. Ces terpen sont, à n’en point douter, des lieux de refuge où les anciens habitans se retiraient avec leurs troupeaux lors des hautes marées. Ils auront élevé peu à peu ces monticules en prenant de l’argile tout alentour, et si l’on ne trouve plus trace des dépressions que ces emprunts auraient dû laisser, c’est que la mer, qu’aucune digue n’arrêtait, sera venue les combler de son limon, comme elle fait encore aujourd’hui, quand on prend des terres dans un relais inondé à marée haute. Ces terpen, étant constitués d’une argile calcarifère

  1. M. Westerhof à Warffum a réuni une collection très curieuse d’objets trouvés dans les terpen, et de nos jours, où tout ce qui se rapporte aux époques anté-historiques attire si vivement l’attention, il serait intéressant de les faire connaître par une publication illustrée.