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fait le relevé aussi exact que possible, et il est arrivé à ce résultat, que, depuis l’an 1500 jusqu’en 1858, on a conquis sur les eaux 355,000 hectares de terre de qualité supérieure. Le tableau de ces utiles conquêtes, qui n’ont coûté de sang à personne, montre la funeste influence que la guerre exerce sur les progrès de l’agriculture, et au contraire l’élan extraordinaire que lui impriment les années de paix. Pendant la période qui s’écoule depuis la réunion de toutes les provinces des Pays-Bas sous Charles V jusqu’au commencement du soulèvement contre l’Espagne, de 1540 à 1566, on gagne annuellement 621 hectares. Durant les guerres de religion et la lutte contre Louis XIV, la moyenne annuelle tombe à 17 et à 84 hectares, tandis que depuis 1815 jusqu’en 1858 elle monte à 1,066. Si aucun affaissement ne se produit, — et, malgré quelques faits mal interprétés, rien n’indique qu’un pareil danger soit à craindre, — le lent et éternel travail de la nature, aidé par la main de l’homme, continuera, en comblant peu à peu les eaux peu profondes de la mer, à ajouter des terres nouvelles et également fertiles au territoire toujours croissant des Pays-Bas. Tandis qu’en Suisse, à la source des fleuves, nous avons vu les anciens terrains redressés en forme de montagnes se détruire et s’en aller en poussière[1], à l’embouchure des rivières nous pouvons étudier la formation de terrains récens qui constitueront peut-être un jour les schistes argileux d’un nouveau système de soulèvemens. Chaque année, les pâturages des Alpes diminuent, et ceux de la Hollande s’agrandissent.

La zone argileuse est la plus connue à l’étranger, parce que c’est celle où se sont élevées les villes principales : Flessingue, Middelbourg, Rotterdam, Delft, La Haye, Harlem, Leyde, Amsterdam, Leeuwarden, Groningue, et les populations se sont agglomérées dans cette région, parce qu’elle était la plus productive et la plus favorable au développement du commerce à cause de la proximité de la mer et de la multiplicité des cours d’eau qui la découpaient en tout sens. C’est d’elle que vient le nom de la partie la plus importante du pays, la Hollande, car ce nom, Hol-Land, signifie terre creuse, et creuse elle est en effet, car lorsqu’on parcourt la contrée on voit de toutes parts les canaux et les rivières dominer le niveau des campagnes, et les bateaux naviguer au-dessus de la tête des vaches qui paissent dans les pâturages. C’est aussi en jugeant d’après l’aspect de cette région qu’on s’est figuré toute la Néerlande comme une vaste prairie, ce qui est très loin de la vérité. Même dans la zone d’alluvion, mie grande partie, et précisément la plus fertile, est dévolue à la charrue. Celle qui est constamment en her-

  1. Voyez la Revue du 15 avril 1863.