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une porte de derrière donnant du péristyle dans la rue; on esquivait par là les fâcheux et l’on introduisait les intimes. Quant à la cuisine, étroite, retirée et cachée, elle ressemblait à toutes les autres et communiquait par une grande fenêtre avec l’une des salles à manger, le triclinium aux marmites. Comme dans la plupart des maisons napolitaines, le réduit le plus ignoble de la maison se trouvait dans cette pièce, tout près des fourneaux. De l’autre côté régnait une grande table de marbre assez pareille aux nôtres, au bout de laquelle un archéologue français, M. de Longpérier, a remarqué le premier un petit creux où le cuisinier de Proculus pilait probablement le sel, comme font nos cuisinières.

Du posticum, si l’on revient au tablinum, pièce centrale qui regarde les deux cours, on est dans l’endroit le plus favorable pour essayer de reconstruire, avec un léger effort d’imagination, la demeure de Proculus telle qu’elle était il y a dix-huit cents ans. D’un côté règne l’atrium, qui n’est pas strictement une cour, mais une grande salle avec une ouverture carrée au milieu du plafond; le toit ne repose pas sur des piliers, mais court autour des parois, soutenu par de grandes poutres horizontales. Sous l’ouverture du toit, au milieu du plancher ou plutôt du pavé formé de briques battues, se creuse l’impluvium, recevant l’eau pluviale et la renvoyant dans une citerne. Des deux côtés de la salle sont rangées les portes qui mènent aux ailes et aux chambres à coucher. En face se resserre l’allée, le prothyrum, qui mène à la rue. Tous les murs sont peints de couleurs fraîches et vives, et la singulière tête de l’Océan, qui semble un chapiteau retourné, étonne le visiteur avec sa grande barbe roulée en volutes. Si l’on tourne le dos à l’atrium, on voit le péristyle se déployer comme un cortile de couvent encadré dans deux étages de colonnades, et de galeries. Un jardin fleurit autour du grand bassin; l’amorino sculpté, pressant une oie, verse dans un canal l’eau de son urne, et cette eau, clapotant d’abord sur l’étagère de marbre, rejaillit ensuite avec un frais murmure de la fontaine où elle est allée se jeter. Au fond, l’exèdre, derrière sa tapisserie soulevée, montre ses peintures amoureuses, et autour des galeries, à traversées, colonnes et les feuillées, apparaissent les portes ou les draperies des chambres, les décorations capricieuses des parois, toutes ces couleurs voyantes qui éclatent si bien à l’air libre et au ciel ouvert. Il ne reste plus qu’à meubler la maison antique. Qu’on replace donc autour du jardin les bancs de bronze couverts de coussins et de draperies, les sièges de toute sorte, depuis la chaise jusqu’à l’escabeau, les tables élégantes et légères, les brasiers sculptés, les hauts candélabres; qu’on se figure les salles à manger avec leurs lits en fer à cheval, avec la grande armoire qui pouvait contenir les images vénérées des ancêtres; qu’on re-