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faite des abordages, le nombre des naufrages diminue d’année en année, quoique le nombre des bâtimens s’accroisse.

Mais pour tirer du baromètre tout le parti possible, il ne suffit pas d’une observation isolée ; il faudrait comparer les observations faites à un même instant de la journée dans des localités différentes. Les orages ne sévissent pas au même moment sur une étendue comme celle de la France ; ils se propagent lentement. Des faits incontestables mettent ce fait hors de doute. Le 10 août 1831, un ouragan qui put être bien étudié, grâce à de nombreuses observations, ravagea les Antilles. Il avait commencé à la Barbade un peu avant minuit, et n’atteignit l’île de Saint-Vincent, située à 110 kilomètres de là, que sept heures après. Plus récemment, le directeur de l’observatoire de Paris, M. Leverrier, put réunir de nombreux renseignemens sur la terrible tempête qui fondit sur la Mer-Noire en 1855, pendant la guerre de Crimée, et il reconnut qu’elle avait été produite par le transport d’une grande onde atmosphérique allant de l’ouest à l’est, et qui, ralentie un instant par les Alpes, mais augmentant toujours en intensité, mit plus de trois jours à traverser l’Europe, et atteignit enfin la Mer-Noire. Si l’on avait suivi la marche de cet ouragan, on aurait eu le temps de signaler le danger aux flottes alliées et de prendre les mesures de prudence nécessaires pour éviter en partie les désastres qui s’ensuivirent. Grâce à l’extension du télégraphe électrique, on pourrait maintenant, aussitôt qu’une tempête apparaît en un point de l’Europe, en suivre la marche pas à pas, heure par heure, et prévenir en temps utile les pays qui paraissent menacés. Pour atteindre ce but, il suffirait de faire converger les informations vers un centre principal d’où l’on put avertir les points vers lesquels s’avance en grossissant la tempête.

Dès 1856, M. Leverrier organisait en France un système de communications météorologiques avec le concours de l’administration des lignes télégraphiques. Vingt-quatre villes convenablement choisies sur la surface du territoire français et pourvues des appareils nécessaires expédiaient chaque matin leurs observations à Paris. On connaissait ainsi chaque matin l’état du ciel, la direction et la force du vent, la température et la pression barométrique pour toute l’étendue de la France. Un peu plus tard, l’observatoire de Paris put échanger chaque jour ses communications météorologiques avec les observatoires étrangers. L’Espagne et le Portugal transmettaient les observations de Madrid, San-Fernando et Lisbonne; l’Italie, celles de Turin, Florence et Home; la Russie donnait Saint-Pétersbourg,