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raissent, annoncent également de la pluie, comme si l’humidité de l’air les étouffait aussitôt.

Tel est le système météorologique dont M. Coulvier-Gravier est l’inventeur, sauf quelques détails d’importance secondaire dont je le dégage pour en simplifier l’exposition. On a déjà compris sans doute quel en est le côté faible : c’est l’absence d’une théorie, le manque d’un lien philosophique entre les faits et les pronostics. L’esprit est mal satisfait par des prédictions dont rien que l’événement ne prouve la vérité. La preuve par les faits est toujours contestable en matière de science, et impose difficilement la persuasion. L’argument cum hoc, ergo propter hoc, a justifié pour un temps toutes les hérésies scientifiques. Pour nous convaincre, il faudrait que l’on pût nous montrer un rapport nécessaire, une relation incontestable entre ces étoiles filantes, reléguées bien au-delà de notre atmosphère, et les vents, les nuages, les météores aqueux qui s’agitent autour de nous ou sur nos têtes. Qu’on nous montre la cause qui fait que ces élémens réagissent l’un sur l’autre. Si nous sommes persuadés que les marées sont dues à la lune, ce n’est pas parce que les mouvemens de la mer coïncident avec les phases de notre satellite, mais bien parce que les astronomes ont analysé l’attraction que la masse de la lune exerce sur la masse de l’Océan, et qu’ils l’ont trouvée suffisante pour en soulever périodiquement les eaux.

Si l’on examine d’un peu près les principes météorologiques que pose M. Coulvier-Gravier, on est étonné de voir combien sont nombreux, complexes et fugitifs les symptômes qui lui servent à prédire le temps. Tantôt c’est une étoile filante unique dont l’aspect nébuleux dénote quelque perturbation grave, et qui à elle seule suffit pour annoncer une tempête. Dans une autre nuit, ce sont quatre étoiles à marche curviligne qui portent seules de mauvais présages au milieu d’une masse d’autres étoiles inoffensives. Rappelons-nous maintenant que l’observateur le plus attentif voit à peine la moitié des météores qui sillonnent la voûte céleste. Que de fois le signe néfaste échappera à l’attention ! que de fois encore il sera mal interprété! De ce que l’auteur de cette théorie en retire pour lui-même des renseignemens exacts, il ne s’ensuit pas que tous ses disciples auront le même succès. On ne regarde pas impunément le ciel pendant tant d’années. Par une longue contemplation, l’observateur émérite se familiarise avec les signes du temps les plus mystérieux, et interprète sans hésitation les hiéroglyphes que le novice ne saurait déchiffrer. Si les étoiles filantes achèvent leur course en dehors des limites de notre atmosphère, la raison dit qu’il ne faut pas aller si haut dans le ciel pour y chercher le secret des nuages et des