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suivant les principes communs à toutes les sciences. Ce dernier point est assurément le plus délicat. Ceux que l’étude approfondie d’une science exacte n’a pas assujettis aux déductions rigoureuses prennent trop volontiers la probabilité pour la certitude et substituent fréquemment les écarts de l’imagination à l’inflexibilité du raisonnement. De là tant de pronostics bizarres, tant de phénomènes supposés, qu’une étude plus sérieuse ne justifie pas et que les faits subséquens ne sauraient confirmer.

Est-il donc impossible de prévoir le temps, c’est-à-dire d’annoncer à l’avance la pluie et la grêle, les vents et les tempêtes? Les progrès très remarquables qui ont été faits depuis quelques années donnent quelque opportunité à cette question. A défaut d’une solution complète, les résultats que l’on a obtenus montrent combien les problèmes relatifs au temps sont difficiles à traiter d’une manière générale et quelle réserve doivent observer les prophètes de la météorologie. Ces résultats sont d’ailleurs assez complets déjà pour présenter dans certains cas un intérêt pratique.


I.

La tradition conserve sur les côtes de la mer et dans les campagnes quelques dictons populaires sur les changemens de temps et les pronostics atmosphériques. On ne saurait dédaigner ces croyances, car il est rare que la science, en se développant, n’en prouve pas la justesse, quoiqu’elles pèchent en général par un défaut de précision. Les proverbes, qui sont, dit-on, la sagesse des nations, constituent d’habitude tout le bagage scientifique des marins et des cultivateurs, qui néanmoins acquièrent quelquefois une merveilleuse aptitude pour prédire le temps. Ne semble-t-il pas que l’homme en rapport journalier avec les phénomènes de la nature emprunte à l’animal cette précieuse qualité que nous appelons instinct, faute de savoir l’expliquer? Malheureusement ceux même qui sont le plus habiles à observer les signes du temps se rendent assez mal compte des pronostics auxquels ils obéissent, et ils sont incapables, pour la plupart, de communiquer leur savoir à autrui, tant sont multiples ou délicats les caractères météorologiques qui guident leur instinct. Il n’est pas besoin d’ajouter que l’on ne peut fonder une science sur cette aptitude individuelle; le savant a besoin de connaître non-seulement les effets, mais aussi les causes, et la certitude ne naît pour lui qu’autant que les phénomènes s’enchaînent dans un ordre conforme aux lois naturelles.

Parmi ces principes vulgaires, que nous hésiterons toujours à qualifier de préjugés. l’un des plus enracinés est sans contredit ce-