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fait sentir en tout et partout. Le bon goût ne demande pas tant d’efforts, et à tous ces fabricans de secrets importans que chacun croit posséder seul, celui-ci un bleu inconnu, cet autre un rouge mystérieux ou un jaune à reflets métalliques, nous dirons : Il ne suffit pas d’avoir du rouge, du vert ou du bleu, il faut surtout savoir s’en servir.

Un autre céramiste, M. Longuet, n’a que peu d’objets exposés, mais ils sont d’une réelle valeur. Dans ses plats persans, il faut louer autant la forme que la couleur. M. Collinot est dans la même voie, mais avec plus de variété. C’est en effet à l’art oriental dans ses manifestations les plus diverses qu’il demande ses inspirations. L’Egypte, l’Inde, le Japon et la Chine surtout, ces pays de l’art industriel par excellence, doués d’un sentiment décoratif si parfait, lui fournissent les plus purs modèles de leurs exquises poteries, tandis que la Perse, qu’il connaît, lui sert d’exemple pour la grande décoration céramique monumentale. Persuadé qu’on n’invente pas une forme, il se contente de chercher dans ces pays de la couleur les tons et les harmonies reconnus les plus suaves par tous les amateurs. Il pourrait vous dire l’histoire de tous ses vases : l’un, cette bouteille sassanide, fut enlevé chez un Juif de Constantinople, qui l’avait pris dans la plus ancienne synagogue du Fanar ; l’autre, cette lampe arabe détachée du turbéh célèbre du sultan Kalaoün, toujours victorieux, relate les hauts faits de ce prince ; puis ce bol de Damas, avec ses émaux si habilement faits sur cru et par empâtement, promet, dans ses légendes kouffiques, la paix, la santé à son possesseur, ainsi que la bénédiction de. Dieu. Ce grand plat d’ablution, avec les beaux caractères persans du XVe siècle, recommande au pécheur de purifier son cœur avant de purifier son corps, afin que Dieu satisfait lui donne une longue paix et une courte pénitence. Nous n’en finirions pas, s’il fallait énumérer toutes ces richesses décoratives choisies dans les plus belles collections et portant toutes l’empreinte d’un art supérieur. Cette question de l’architecture polychrome, si souvent agitée et que pas un architecte n’a osé encore aborder, est largement résolue par l’élégante construction que M. Collinot vient de faire au bois de Boulogne. Élevée sur le modèle d’un palais de Téhéran, cette habitation est un spécimen de ce qu’un architecte intelligent pourrait faire à l’aide de cette peinture céramique qui se prête mieux que toute autre à la décoration.

L’exposition des arts industriels vient de nous révéler les causes qui les menacent de décadence et d’infériorité en France. Le mal est dans une anarchie de systèmes et de procédés arrivée à son comble ; mais à côté du mal il convient maintenant d’indiquer le remède. Il est dans la direction qu’on saura donner aux écoles d’art