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émailleur, il connaît tous les secrets de ces branches diverses de la science-mère. La terre où il se trouve, sur laquelle il marche, est par lui promptement analysée, divisée et reconstituée : cette partie pour l’émail, cette autre pour la coloration, cette autre pour la pâte même du vase, et ainsi de suite. Saisissant le secret de formation dans le laboratoire même où la nature travaille, il constitue les agates, les porphyres, les marbres, les lapis, toutes les pierres enfin, comme elles se constituent elles-mêmes par des agrégations secrètes, et en varie à son gré les jaspures et les nuances. Remarquez bien que ce ne sont pas des imitations de marbres et de porphyres qu’il vous donne, ce sont les marbres, les porphyres, les agates et les jaspes mêmes. Avec ces monestrolithes, car il leur a donné son nom, M. de Monestrol se fait fort de daller les palais ou de les revêtir suivant les caprices du décorateur, en y dessinant, comme sur un tapis de Smyrne, des arabesques de tous les tons et de toutes les nuances. C’est une mosaïque enfin qui, au lieu de se composer de petits cubes de marbre ou de verre, est faite d’une seule pièce. Au lieu d’être ébauchée dans un bloc de marbre ou d’albâtre, une statue sera façonnée, coulée comme un plâtre, et n’aura plus qu’à recevoir le dernier coup de ciseau du maître. Aussi n’est-ce pas une difficulté pour M. de Monestrol de calculer d’avance le retrait des terres à la cuisson ; il peut aller à volonté de 0 pour 100 à 50 pour 100, ou encore, au lieu du retrait, produire une extension considérable. Ces couleurs métalliques, ces rouges de feu, ces nacres, ces cantharides, toutes ces irisations enfin où se reflète et se joue, miroite et flotte le spectre changeant de la lumière, et dont l’Orient avait le monopole, ne sont plus qu’un jeu pour cet enchanteur.

M. Pull, qui est aussi un céramiste sérieux, est assurément moins libre dans ses travaux. Pour cet imitateur patient, il n’y a qu’un maître, Bernard Palissy. Il s’est tellement identifié avec ce genre qu’on serait tenté de croire à la transmission des âmes, et nous avouons en toute humilité que, malgré notre habitude de la céramique, nous serions fort en peine de distinguer l’original de la copie. Les critiques que nous ferions des travaux de M. Pull s’adresseraient au maître et non pas à lui, qui n’a qu’un but, et sait l’atteindre sans tenter d’aller au-delà.

M. Barbizet et quelques autres ont aussi cherché leurs modèles dans Bernard Palissy ; mais ici nous n’avons affaire qu’à de très honorables commerçans qui n’ont pas, je le suppose, d’autres prétentions. Leur tort, dans leur intérêt commercial même, est d’appliquer à toute chose un genre qui ne s’applique plus à rien de nos jours, et dont le seul mérite serait dans la pureté de l’imitation. En