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le calcul des chances réservées à l’Italie méridionale. Le jour viendra, on n’en peut douter, où les chemins autrichiens trouveront des prolongemens sur le sol de la Turquie dans la direction de Constantinople. Alors la clientèle des ports du midi de la péninsule italique sera bien plus atteinte que celle de notre grand port des Bouches-du-Rhône, auquel restera toujours, pour les voyageurs de l’ouest, un notable avantage au point de vue de l’économie. Marseille pourra devoir à cette circonstance de conserver une clientèle dans l’Europe occidentale, si distante des ports italiens. Et d’ailleurs, dût le grand courant de la circulation des voyageurs vers les échelles du Levant s’ouvrir passage à travers la péninsule italique, dussent les paquebots à vapeur pour Alexandrie ou Constantinople émigrer de Marseille à Brindes, de même qu’aujourd’hui les paquebots pour Gènes commencent à émigrer à Nice, où touche la voie ferrée, Marseille ne serait pas condamnée pour cela à une réduction dans l’effectif général de ses transports. Plus les chemins de fer, en se ramifiant en tous sens, vivifieront les rivages de la Méditerranée, et plus notre beau port provençal verra croître sa prospérité. Ce qui est évident, c’est que la circulation s’augmentera, et elle s’augmentera surtout au profit de ces centres d’affaires qui communiquent directement avec les régions les plus industrielles et les plus riches. Les facilités nouvelles assureront aux villes de l’ancien royaume de Naples un flux de voyageurs plus ou moins fort selon le degré d’achèvement des chemins de fer dans l’Europe orientale, cela n’est pas douteux; mais ce réveil ne sera point une cause d’assoupissement pour l’entreprenante cité phocéenne. Parallèlement à une certaine résurrection des villes italiennes engourdies depuis des siècles, on verra se produire un accroissement non moins considérable pour la navigation marseillaise.

Ainsi tout s’enchaîne et se correspond dans le mouvement d’affaires que doit créer l’achèvement du réseau continental. Il ne reste plus pour les compagnies qu’à tenir compte des exigences de cette situation nouvelle. On a triomphé des causes matérielles de séparation existant de pays à pays; la tâche qui sollicite aujourd’hui les efforts communs, celle dont nous avons essayé de préciser les conditions et la portée, consiste bien réellement d’une part à faciliter l’exploitation du réseau général par des institutions appropriées aux besoins nouveaux, d’autre part à faire disparaître peu à peu de la vie des peuples les différences arbitraires qui les divisent, et qui sont en contradiction manifeste non-seulement avec leurs besoins, mais encore avec les applications les plus énergiques de l’industrie contemporaine.


A. AUDIGANNE.