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qu’ils représentent aucune pièce nouvelle qu’ils ne vous l’aient auparavant communiquée, son intention étant qu’ils n’en puissent représenter aucune qui ne soit de la dernière pureté. »

Ami de Boileau, de La Bruyère, de Racine, doué d’un goût naturel pour les lettres, le comte de Pontchartrain s’était fait toute sa vie un plaisir et un honneur d’encourager ceux qui les cultivaient. Nous trouvons la preuve de ces dispositions bienveillantes dans les correspondances du temps. Le 11 avril 1692, Racine écrivait à Boileau : « M. de Pontchartrain me parla hier de notre pension et de la petite académie, mais avec une bonté incroyable, en me disant que, dans un autre temps, il prétend bien faire d’autres choses pour vous et pour moi. » Les temps étaient par malheur si mauvais, que Racine était souvent obligé de solliciter le paiement de sa pension et de celle de Boileau. L’année suivante, le 18 avril 1693, Pontchartrain recommandait à l’abbé Renaudot, de la manière la plus pressante, l’abbé Bignon et La Bruyère pour deux places vacantes à l’Académie française. « Comme l’esprit et le mérite de ces deux messieurs, disait Pontchartrain, ne vous est pas inconnu et que vous en êtes beaucoup meilleur juge que moi, je ne ferai point ici leur éloge. J’ose me flatter que vous aurez quelque égard à ma recommandation et que vous me donnerez votre voix… » On a vu dans la lettre de Racine l’intérêt que portait Pontchartrain à la petite académie. Il la réorganisa, lui donna son nom définitif d’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et la chargea de publier cette magnifique collection des Ordonnance des rois de France de la troisième race dont les savantes introductions des Secousse, des Laurière, des Brequigny, des Pardessus et des Leclerc ont fait un des plus beaux monumens historiques de la France.


IV.

À l’opposé de ses prédécesseurs, qui mouraient généralement de vieillesse à leur poste, Pontchartrain résigna volontairement ses fonctions au mois de juin 1714. On a attribué cette retraite du chancelier à l’aversion de Mme de Maintenon pour ses opinions jansénistes, qu’il ne cachait pas. Peut-être, prévoyant la fin prochaine du roi, ne voulut-il pas se commettre dans la crise, attendue de tous, que son testament devait soulever. Il avait perdu en 1709 sa femme, dont le duc de Saint-Simon a fait le charmant portrait que chacun connaît, gâté à la fin par une impertinence de sa façon. D’après lui, jamais femme de ministre ni autre n’avait eu sa pareille pour savoir tenir une maison, y joindre plus d’ordre à toute l’aisance et la magnificence imaginables, éviter les inconvéniens avec plus d’attention, d’art et de prévoyance, sans qu’il y parût, avoir