Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/944

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires. » Il est probable qu’une pointe de galanterie aiguisait parfois sa conversation et ajoutait au piquant de son esprit. Loin d’être exclusives, ses investigations se portaient volontiers sur des objets ayant un rapport très indirect avec l’administration. On en jugera par cette lettre, écrite le 17 février 1706 à d’Argenson :


« Vous me mandez que les brillans des demoiselles de La Motte et de Villefranche sont bien baissés, et que leurs charmes sont bien moins dangereux qu’ils n’étoient dans leurs premières années. Votre lettre est conçue d’une manière à faire douter si c’est d’une seule ou des deux ensemble due vous entendez parler : je vous prie de me l’expliquer et de mander quel âge ont ces deux filles, qui paroissent jeunes. Il y a Mlle de Canillac, dont la beauté fait aussi du bruit. Pour peu que vous vouliez vous mettre sur les voies, vous pourrez nous en dire aussi quelques nouvelles. »


Plusieurs années après, le 1er octobre 1710, le chancelier adressait à un prélat de ses amis quelques lignes du tour le plus gracieux, le plus aimable :


« Êtes-vous mort ou en vie, monsieur ? Où êtes-vous ? que faites-vous ? à quoi pensez-vous donc ? Certes ce n’est pas à moi, car il y a un siècle et plus que je n’ai eu de vos nouvelles, et peut-être que, si je n’avois l’attention de vous réveiller, vous seriez endormi pour moi jusqu’au jour du jugement. Or dites-moi, je vous en conjure, d’où vient ce noble et obstiné silence ? Si c’est paresse, je n’en dis mot, car vous faites votre métier, et ce n’est pas pour travailler que vous êtes prélat. Mais est-ce un si grand travail que de me donner de temps à autre quelque petit signe de vie ? Enfin je fais ce que je puis pour vous excuser, quelque fâché que je sois contre vous, et je sens bien que la meilleure excuse ne vaut rien, et que vous ne pouvez, selon moi, être pardonnable et pardonné qu’autant que je suis plus véritablement à vous que personne du monde. »


On a là au naturel le Pontchartrain « né galant, plein de légèreté et d’agrément, » qu’aimait Saint-Simon, et qui tolérait volontiers, malgré les ordonnances de Blois, d’Orléans et la déclaration de 1698, les danses publiques des-fêtes et dimanches, pourvu qu’elles n’eussent pas lieu pendant le service divin et ne causassent point de scandale ; attentif d’ailleurs à ne rien supporter dont le goût et la morale eussent pu souffrir. « Il est revenu au roi, écrivait-il le 31 mars 1701, que les comédiens se dérangent beaucoup, que les expressions et les postures indécentes commencent à reprendre vigueur dans leurs représentations, et en un mot qu’ils s’écartent de la pureté où le théâtre étoit parvenu. Sa majesté m’ordonne de vous écrire de les faire venir et de leur expliquer de sa part que, s’ils ne se corrigent, sur la moindre plainte qui lui parviendra, sa majesté prendra contre eux des résolutions qui ne leur seront pas agréables. Sa majesté veut aussi que vous les avertissiez qu’elle ne veut pas