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individus[1]. » Un traité de commerce, signé également à Ryswick le 20 septembre 1697 entre la France et la Hollande, passa inaperçu au milieu de tous ces mouvemens de territoire, et n’en eut pas moins des suites funestes pour la marine, l’industrie et le commerce de la France. Les Hollandais ne nous avaient jamais pardonné d’avoir frappé leurs navires, dans les ports français, d’un droit de cinquante sous par tonneau, établi primitivement par Henri IV, rétabli par Fouquet, et maintenu, malgré des réclamations opiniâtres, par Colbert. Le traité de commerce de 1697 statua, dans un article séparé, que ce droit cesserait à l’égard des navires hollandais et ne pourrait jamais être rétabli. Dans l’état où se trouvait notre marine marchande, une pareille concession ne pouvait être que fâcheuse pour nos intérêts; mais les Hollandais faisaient la loi, et le contrôleur-général ne combattit sans doute que faiblement leurs prétentions. Enfin, outre la faculté de concourir, comme les nationaux, au commerce du hareng, jusqu’alors réservé à la marine française, ils obtinrent qu’un nouveau tarif réglerait, dans un délai de trois mois, les droits d’entrée et de sortie des marchandises échangées entre les deux pays. On exécuterait, en attendant, le tarif de 1667, et si, après ces trois mois, on n’avait pas réussi à s’entendre, le tarif de 1664, beaucoup plus avantageux à leurs intérêts, serait adopté. Ce dernier tarif était bien, à la vérité, l’œuvre de Colbert; mais on sait qu’il l’avait jugé insuffisant pour protéger l’industrie française et remplacé par celui de 1667, qui devint, par suite de l’irritation qu’il développa en Hollande, l’un des motifs de la guerre de 1672. Les Hollandais craignirent-ils que le traité de 1697 rencontrât de la résistance parmi nos populations? On peut le supposer, car ils firent stipuler qu’il serait enregistré au parlement et à la chambre des comptes de Paris, ainsi que dans tous les autres parlemens du royaume. Le temps était passé où Louis XIV supportait impatiemment l’intervention des compagnies souveraines dans les affaires générales du royaume. Quelque pénible que fût la condition qui lui était imposée, il se plia aux circonstances. «Le commerce, dit Forbonnais, dont la guerre avoit déjà ralenti considérablement le progrès et qui ne recevoit plus de gratifications, ne fut bientôt plus en état de se soutenir contre cette attaque. » De nouvelles opérations sur les monnaies achevèrent de porter le trouble dans toutes les transactions, et il en résulta, entre autres effets, que les 110 millions dont l’état put disposer en 1697, toutes charges déduites, ne représentaient pas plus de 88 millions de 1689 : triste conséquence de cette déplorable mobilité de la législation sur les monnaies dont le gouvernement ne retirait, nous

  1. Histoire de la Diplomatie française, par de Flassan, t. IV, p. 155.