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avec la charge de secrétaire d’état, la garde des pierreries de la couronne, les haras et les fortifications des villes de l’intérieur du royaume. L’occasion était bonne pour le secrétaire d’état de la guerre de s’agrandir encore; il n’eut garde de la laisser échapper. Il avait déjà, en dehors de son département principal, la surintendance des bâtimens et celle des postes ; de la succession de Seignelay, il eut les haras, quelques manufactures qui étaient restées à la marine, et les fortifications de l’intérieur. Beaucoup moins ambitieux, trouvant déjà le contrôle général trop lourd, le comte de Pontchartrain aurait voulu se soustraire à des fonctions nouvelles : la faveur alla à lui malgré lui. Louis XIV lui donna le rang de secrétaire d’état avec la marine et les pierreries. « M. de Pontchartrain, dit à ce sujet Dangeau, avoit prié le roi de ne le point charger de la marine, parce qu’il n’en a aucune connoissance. Le roi a voulu absolument qu’il s’en chargeât. Il a présentement tout ce qu’avoit M. Colbert, hormis les bâtimens. » Si Louis XIV avait moins cédé à ses convenances personnelles, s’il ne s’était pas laissé influencer par le puéril ennui d’admettre dans son conseil un nouveau visage et par la vanité de tout diriger lui-même, loin de combattre les honorables scrupules de Pontchartrain, il aurait compris que, dans la crise où se trouvait la France, ce n’était pas trop d’un ministre pour les finances, et que forcer ce ministre à diriger un département auquel il voulait rester étranger, c’était s’exposer à compromettre, avec la marine et les finances, le salut même du royaume.

La France, il ne faut pas l’oublier, avait alors la guerre sur toutes ses frontières, en Espagne, en Italie, en Allemagne, indépendamment de la lutte qu’elle avait à soutenir contre les marines de la Hollande et de l’Angleterre. « Le roi, dit Racine dans ses Fragmens historiques, avoit en 1693 près de cent mille chevaux et quatre cent cinquante mille hommes. C’étoient quarante mille chevaux de plus que dans la guerre de Hollande. » Naturellement tant d’efforts simultanés exigeaient des sacrifices énormes. Pendant les premières années de son ministère, Pontchartrain avait eu surtout recours à ce qu’on appelait en termes de finance les affaires extraordinaires, telles que créations d’emplois payés comptant et donnant droit à un traitement qui dépassait de beaucoup l’intérêt ordinaire de l’argent, tontines, emprunts de toute sorte, aliénations des domaines de la couronne, sans parler de cette malheureuse refonte des monnaies, qui bouleversait tant d’intérêts. La lutte continuant sur tous les points malgré le désir du gouvernement d’obtenir une paix honorable, les ressources extraordinaires devinrent insuffisantes, et il fallut songer à d’autres moyens pour alimenter le trésor. C’est alors qu’on pensa sérieusement à établir un impôt auquel tous les citoyens indistinctement devraient être sujets, et dont le contrôleur-général