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ganisation des infusoires n’est point du tout, comme on serait tenté de le croire, une organisation simple : elle est au contraire très complexe, et l’illustre micrographe Ehrenberg a démontré que ces petits animaux presque invisibles sont aussi parfaits et aussi richement organisés que beaucoup d’animaux plus élevés[1]. M. Büchner nous dit lui-même que le rotifère, qui n’a que le vingtième d’une ligne, a une bouche, des dents, un estomac, des glandules intestinales, des vaisseaux et des nerfs.

On invoque encore en faveur des générations spontanées le raisonnement suivant : « S’il n’y avait, dit-on, qu’un seul mode de génération, la génération par sexe, on comprendrait qu’on fût disposé à rejeter comme une pure illusion contraire à la loi générale les productions spontanées dans certaines espèces; mais l’expérience nous apprend qu’il y a des modes très variés de génération : pourquoi l’un de ces modes, au plus bas degré de l’animalité, ne serait-il pas l’hétérogénie? » Les grands travaux de la science moderne sur la génération des animaux inférieurs ont répondu à cette objection, et l’opinion qui semble prévaloir aujourd’hui dans les sciences naturelles, les argumens, les recherches sur lesquels elle s’appuie ont été plus d’une fois exposés dans la Revue par M. de Quatrefages[2]. C’est lui-même qui a résumé en quelques lignes d’une netteté rigoureuse les données acquises sur ce point par la science moderne. « Médiatement ou immédiatement, a-t-il dit, tout animal remonte à un père et à une mère (appareil mâle et femelle). Et ce que nous disons en ce moment s’applique également aux végétaux... Un père et une mère, c’est-à-dire un mâle et une femelle, telle est l’origine de tout être vivant. L’existence des sexes, dont la nature inorganique ne présente pas même la trace, se montre donc comme un caractère distinctif de la matière organisée, comme une de ces lois primordiales dont nous devons renoncer à trouver la raison. »

Cette restauration de l’élément sexuel dans la génération des animaux est évidemment un coup fatal porté à la génération spontanée. Cette théorie a subi encore d’autres échecs non moins curieux. Pendant longtemps par exemple, elle avait pu invoquer en sa faveur un fait vraiment étrange et inexplicable en apparence : c’était l’existence des entozoaires ou vers intestinaux. « Aujourd’hui, disait J. Müller, c’est par la considération des vers intestinaux qu’il est le plus permis de soutenir l’hypothèse de la conversion d’une matière animale non organisée en animaux vivans. » L’existence

  1. Ehrenberg, Organisation der Infusions Thierchen.
  2. Voyez la Revue du 1er et 15 avril 1855, du 1er et 15 juin, du 1er juillet 1856.