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de percevoir le son soit détruit ou paralysé, qu’il n’y ait sur la terre ou dans l’espace aucun animal capable d’entendre, il n’y aura rien en dehors de nous, absolument rien qui ressemble en quoi que ce soit à ce que nous appelons un son.

Il a fallu bien du temps, bien des expériences, bien des raisonnemens pour appliquer à la lumière cette théorie des vibrations. Les vibrations sonores peuvent être perçues par les sens, les vibrations lumineuses ne le sont pas; le milieu élastique qui transmet le son est également perçu par les sens, c’est l’air; le milieu élastique qui est censé transmettre la lumière ne tombe sous aucun de nos sens, c’est l’éther. Il suit de là que pour le son la théorie vibratoire est immédiatement donnée par l’expérience, et n’est que le résumé des faits; pour la lumière au contraire, la théorie vibratoire est une hypothèse conçue par l’esprit, et qui peut être plus ou moins vérifiée par l’expérience : de là la lenteur avec laquelle cette théorie s’est introduite et les difficultés qu’elle a rencontrées. Quoi qu’il en soit, elle est aujourd’hui définitivement admise par les physiciens, et ici encore on a pu dire : Considérée hors de nous, hors du sujet sentant, hors de l’œil qui la voit, la lumière n’est qu’un mouvement. La sensation lumineuse est un phénomène propre à l’œil vivant, qui ne peut avoir lieu qu’en lui et par lui.

Mais voici qui est bien plus extraordinaire et qui prouve d’une manière décisive à quel point nos sensations sont subjectives et dépendantes de nos organes, et combien nos idées sur la matière, telle que les sens nous la donnent, doivent être rectifiées par l’esprit : c’est l’identité à peu près admise aujourd’hui par tous les physiciens entre la chaleur et la lumière. Quoi de plus différent, au point de vue de la sensation, que ces deux ordres de phénomènes? Ils paraissent même très souvent séparés. Je puis avoir chaud dans l’obscurité, par exemple dans les mines, et froid par une lumière éclatante. Malgré ces oppositions superficielles et apparentes, les expériences de Melloni ont tellement multiplié les analogies entre les deux agens que la science n’hésite guère à conclure à leur identité. La chaleur[1], comme la lumière, se meut en ligne droite et avec la même vitesse; elle se réfléchit comme la lumière; comme elle, elle se réfracte et selon les mêmes lois; elle se transmet à travers les corps, ainsi que la lumière elle-même; enfin on sait que par l’addition de deux lumières on peut produire de l’obscurité. Eh bien ! en combinant deux sources de chaleur, on peut produire du froid : c’est ce qu’a prouvé une remarquable expérience de M. Foucault. Pour conclure avec un remarquable traité de phy-

  1. Voyez sur les travaux de Melloni l’étude de M. Jamin, Revue du 15 décembre 1854.