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son origine portugaise : traits, carrure, démarche, tout annonce une nature germanique. Son front large et élevé accuse une intelligence vive ; son regard limpide, une âme sincère et honnête. Ses goûts sont d’un savant : une bibliothèque latine, qu’il enrichit tous les jours des meilleurs ouvrages français, anglais et allemands, est sa principale et sa meilleure distraction. Les sciences lui sont aussi familières que les lettres. Tous les étrangers qui l’approchent sont unanimes à reconnaître ses hautes aptitudes et sa réelle supériorité intellectuelle. Il est à remarquer qu’en Europe ce ne sont pas généralement les princes qui se mettent à la tête du progrès. Dans le Nouveau-Monde, si une révolution éclate, c’est parce que celui qui gouverne veut marcher trop vite, et que le pays se refuse à le suivre.

Il n’est pas sans intérêt, à ce propos, de jeter un coup d’œil sur la presse brésilienne. Lors de la première insurrection de Pernambuco (1817), on fut obligé de recourir aux matelots français et anglais qui se trouvaient dans la rade pour faire imprimer les proclamations. Depuis cette époque, il semble qu’on ait voulu regagner le temps perdu, car aujourd’hui les feuilles brésiliennes l’emportent, par les dimensions du format, sur beaucoup de journaux du continent. Malheureusement quiconque parcourt une de ces feuilles est bien vite forcé de reconnaître qu’il assiste aux tâtonnemens d’une société naissante, dont les élémens n’ont pas encore été régulièrement classés. Le diario (journal), après un exposé des séances du congrès, ne contient guère que des correspondances insignifiantes, des pièces de vers, etc., puis des annonces de toute sorte que des prix habilement gradués mettent à la portée de toutes les bourses. Veut-on donner du relief à un leilão (encan) ou à un magasin de modes nouvellement établi, la réclame est encadrée, écrite en majuscules et surmontée d’un énorme attencão (attention). S’agit-il d’une annonce sortant du domaine des boutiquiers et des marchands, un altençào seul ne suffit pas ; on a recours au superlatif muita attencão (beaucoup d’attention), et on enguirlande le cadre. Dans les occasions solennelles, on laisse là les attenção, les cadres, les majuscules, et on fait appel à la lithographie. Rien de mieux en effet pour séduire le lecteur que de parler à ses yeux. Voit-il une villa entourée de palmiers, il sait qu’une maison de campagne est à vendre. A-t-il besoin de remonter ses écuries, il cherche d’un coup d’œil si quelque solipède ne piaffe pas à la troisième page en attendant chaland. Les dernières colonnes, les plus nombreuses de toutes, sont consacrées aux offres d’achat et de vente des noirs. Ainsi les mêmes journaux qui, suivant l’énergique expression de M. Ribeyrolles, « pleurent quelquefois, à leur première page, sur les malheurs