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la nature des choses. » Or les propriétés de la matière sont éternelles comme elle; ainsi ses lois sont immuables. Si ses lois changeaient, c’est que la matière changerait de propriétés, ou qu’elle prendrait des propriétés contraires à son essence : ce qui est impossible. Au reste, l’expérience le démontre. Jamais les lois de la nature n’ont souffert le moindre changement. Les miracles n’ont lieu que pour les ignorans et devant les ignorans. Les hordes sauvages, les populations des montagnes, les classes peu éclairées voient des miracles ; les siècles éclairés, les grandes villes, les centres de civilisation et d’incrédulité n’en voient pas. Ainsi point d’intervention surnaturelle, point d’action accidentelle et contingente d’une cause suprême.

Je ne sais qui a dit : « Les cieux ne racontent plus la gloire de Dieu; ils ne racontent que la gloire de Newton et de Laplace. » M. Büchner accepterait volontiers cette maxime ; selon lui, plus la science du monde a fait de progrès, plus l’idée d’une force créatrice, surnaturelle, providentielle, a été refoulée partout dans les cieux; nous ne voyons plus aujourd’hui qu’une loi mécanique, mathématique, loi résultant de la nature même de la matière, et qui explique tous les phénomènes conformément aux principes de la géométrie et de la mécanique.

Du ciel, passons à la terre. Ici encore nulle intervention immédiate de la Divinité : la science tend à démontrer de plus en plus que les grandes révolutions qui ont agité la surface du globe ont été produites par des causes semblables à celles que nous connaissons aujourd’hui. C’est le temps qui est ici le grand créateur. On voit que le docteur Büchner admet comme parfaitement démontré le système géologique de M. Lyell, le système des actions lentes. Les journées de création ne sont plus que les évolutions insensibles d’une action continue. Tout au plus pourrait-on admettre qu’à certains momens les actions de forces qui nous sont connues se sont déployées avec une plus grande puissance. Voici maintenant le grand problème : n’y a-t-il pas eu un moment sur ce globe où une force absolument nouvelle a apparu, la force de la vie? Comment expliquer la génération primitive ? Tout se réunit pour nous faire admettre que la vie n’est qu’une combinaison particulière de la matière, et que cette combinaison a eu lieu aussitôt que les circonstances favorables ont été produites. En effet, aussitôt que ces circonstances ont lieu, la vie se manifeste, et à chaque changement de milieu correspond un changement équivalent et proportionné dans les formes de la vie. A chaque couche terrestre correspond par gradation un monde vivant : aux couches les plus anciennes, les formes les plus imparfaites; aux couches les plus récentes, les formes les plus com-