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produits, et réciproquement. La chimie démontre en outre que les diverses substances conservent toujours les mêmes propriétés. Ainsi la matière ne périt jamais, mais elle est dans un mouvement perpétuel; c’est, comme le disait Héraclite d’Ephèse, un jeu toujours vivant, un jeu que Jupiter joue éternellement avec lui-même. C’est une circulation incessante de matériaux, dont chaque combinaison accidentelle commence et finit; mais ces matériaux se retrouvent toujours sons une forme ou sous une autre. « Le corps du grand César, dit Hamlet, sert à bouclier un mur. » Ainsi rien ne vient du néant, rien ne retourne au néant. L’antique axiome de la philosophie atomistique est démontré.

Il en est de la force comme de la matière, elle est immortelle; elle se transforme, elle ne périt pas. « Ce qui disparait d’un côté, dit l’illustre Faraday, reparaît nécessairement d’un autre. » L’une des plus belles et des plus éclatantes applications de ce principe est la transformation de la chaleur en mouvement, et réciproquement. Par le frottement, on obtient du feu; par de la vapeur d’eau, on obtient du mouvement. La quantité de mouvement perdue se retrouve en quantité de chaleur; la quantité de chaleur perdue se retrouve en quantité de mouvement. Ainsi la force se conserve comme la matière, et il est facile de le prévoir d’avance. De ces considérations, on doit conclure que la matière et la force n’ont pas été créées, car ce qui ne peut pas être anéanti ne peut pas être créé. Réciproquement tout ce qui commence doit finir. Ainsi la matière est éternelle, mais elle seule est éternelle : sortis de la poussière, nous retournerons à la poussière. La matière n’est pas seulement éternelle, elle est infinie. Elle est infinie en petitesse et en grandeur. Le microcosme et le macrocosme sont l’un et l’autre infinis. Ici M. Büchner parle comme Pascal, quoique avec moins d’éloquence. Qui ne se rappelle ce magnifique passage sur les deux infinis, où Pascal a déployé toutes les richesses et toutes les grandeurs de sa merveilleuse éloquence? Qui n’a présens à la pensée d’une part cette sphère infinie dont le centre est partout et la circonférence nulle part, et de l’autre ce ciron qui contient des mondes à l’infini? La nouvelle philosophie allemande se distingue de l’ancien matérialisme en ce qu’elle admet la divisibilité à l’infini. L’atome n’est qu’une représentation de l’imagination. Ni l’observation, ni la raison ne peuvent conduire à l’atome. Cette idée d’une division infinie épouvante notre esprit; mais qu’y faire? Il faut se résigner à l’incompréhensible.

La matière étant éternelle et infinie, il s’ensuit manifestement que ses lois sont universelles et immuables. C’est ce qui est évident par ce qui précède, car les lois de la matière résultent de ses propriétés. « Les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de