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traces évidentes de leur ancienne extension dans les plaines environnantes, confirment ce que j’avais déjà soutenu il y a quinze ans[1]. « La presqu’île scandinave, disais-je alors, a été jadis couverte de glaciers, comme l’est actuellement le Spitzberg. Ces glaciers descendaient jusqu’à la mer, et les blocs erratiques des plaines de l’Allemagne, tous d’origine suédoise, ont été transportés par des glaces flottantes, car à cette époque ces plaines étaient une vaste mer qui venait battre le pied des montagnes du Harz et du Thuringer-Wald. » M. Vogt rattache très ingénieusement la disparition des glaciers à l’apparition du gulf-stream. Tant qu’un continent occidental, dont l’Atlantide de Platon nous a gardé le souvenir, unissait l’Irlande à l’Espagne et aux Açores, les eaux chaudes sorties du golfe du Mexique, arrêtées par ce barrage, ne pouvaient atteindre les côtes de Norvège : de là un climat plus rigoureux, et par suite l’extension des glaciers. La géologie, la zoologie et la botanique sont d’accord pour prouver l’ancienne existence et la disparition relativement récente de ce continent.

L’exploration de l’île Jan Mayen, si rarement visitée, la description de ses volcans, l’étude minéralogique de ses laves, l’énumération de ses plantes, ajoutent un chapitre tout entier à la description du globe. Dans un coup d’œil d’ensemble enfin, l’historien de l’expédition, M. Vogt, embrasse à la fois les formations volcaniques de l’Islande et celles de l’île Jan Mayen. Cette généralisation le conduit à des conséquences presque toutes nouvelles, et par suite en opposition avec les idées généralement reçues sur les formations volcaniques.

Après la géologie, c’est la zoologie qui recueillera le plus de fruit de cette excursion d’été dans les régions polaires. Une foule d’animaux marins de la classe des mollusques et des zoophytes ont été recueillis et conservés, ou disséqués et dessinés par les naturalistes ou par M. Hasselhorst. Les animaux vertébrés, — les harengs et les morues parmi les poissons, les baleines et les dauphins parmi les cétacés, — ont spécialement fixé, on a pu le voir, l’attention des voyageurs. Tous les cétacés dits souffleurs émettent par leurs narines un jet d’eau. La nature de ce jet d’eau et le mécanisme par lequel il est produit ne sont point complètement connus. Les observations faites par M. Vogt sur ceux de ces animaux qu’il a pu approcher en mer faciliteront certainement la solution du problème. Enfin ce qu’on ne saurait trop louer, c’est le talent avec lequel les montagnes, la végétation, les habitans, les animaux, la physionomie du pays en un mot, sont décrits et rendus. Humboldt le premier sut allier le

  1. Bulletin de la Société géologique de France, 2e série, t. IV, p. 1113; 1848.