Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/839

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jacob Jacobsen, fut arrêté par des vents contraires en vue de l’île, le 17 mai 1732, et vit des flammes s’échapper des flancs de la montagne avec accompagnement d’éclairs et de tonnerres. Ces explosions durèrent vingt-quatre heures; rien ne sortit par le cratère principal. La fumée, résultat des explosions, se maintint jusqu’au 21 du mois. La brise s’étant levée, le navire mit à la voile; mais, au grand effroi de l’équipage, le pont se couvrit d’une couche de cendres apportées par le vent; les voiles se teignirent en noir, et comme de nouvelles cendres se succédaient sans cesse, l’équipage travailla pendant cinq heures à nettoyer le pont. Un autre baleinier, Alicke Payens, ayant entendu parler de cet événement, s’approcha de l’île, y débarqua, et la trouva couverte d’une couche de cendres où il enfonçait jusqu’aux genoux; mais l’éruption avait entièrement cessé. En avril 1818, le capitaine Gilyott, commandant le Richard de Hull, vit des nuages de fumée, éclairés par une lueur, s’élever de l’île. Enfin Scoresby, le plus grand observateur qui ait parcouru les mers polaires, passant près de Jan May en le 20 avril de la même année, remarqua des nuages de fumée qui s’élevaient de trois en trois minutes dans le voisinage du petit volcan auquel il avait donné le nom de son navire. « Je crus d’abord, dit-il, que c’étaient des feux allumés par des naufragés, mais je m’assurai que c’était une petite éruption volcanique dont la fumée montait à environ 1,300 mètres au-dessus de l’île. » Scoresby avait en outre reconnu la nature volcanique des roches qui composent cette île et noté quelques plantes boréales qui y végètent. Tel était l’ensemble de nos connaissances sur cette île, qui excitait vivement la curiosité de nos voyageurs, précisément à cause des difficultés que les glaces ont si souvent opposées aux navigateurs qui ont voulu l’explorer.

Parti de Hammerfest pendant un orage, phénomène des plus rares dans le nord, le Joachim-Hinrich se dirigea vers le nord-ouest; des calmes, des brumes, rendirent sa navigation d’autant plus difficile qu’on ne peut pas faire le point quand le soleil ne se montre pas et que l’approche des glaces est toujours périlleuse. Or on devait s’attendre à trouver l’île entourée de sa ceinture habituelle. On naviguait donc avec prudence, prenant fréquemment la température de la mer, qui baisse à l’approche des côtes et des banquises, et en effet l’eau devenait de plus en plus froide. On nota également l’apparition des macareux, qui ne s’éloignent pas beaucoup de la terre. L’impatience des voyageurs était au comble, lorsque le 10 août, à quatre heures, pendant que tout le monde était à table, le capitaine, resté sur le pont, s’écrie : « Jan Mayen ! montez vite! » On se précipite, et on aperçoit à travers une éclaircie du brouillard une coupole de neige; un instant après, on distingue une arête neigeuse interrompue par quelques pointes de rochers, puis tout s’évanouit