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les poussait aux entreprises hardies. Soit que les Hollandais, qui ont longtemps guerroyé dans ces parages, y aient laissé quelques germes de leur génie indépendant, soit que le voisinage du continent ait ravivé le vieux sang portugais, toujours est-il que c’est dans cette ville que l’on rencontre les aspirations les plus libérales. Aussi, depuis près d’un demi-siècle, les habitans de Pernambuco ont-ils essayé, à diverses reprises, de secouer le joug de la métropole et de réaliser leur double rêve, la république et l’indépendance. Bien que plusieurs de ces insurrections aient été sérieuses, je ne crois pas que le désir d’émancipation dont elles étaient le témoignage puisse jamais se satisfaire. La province de Rio-Grande-do-Sul, située à l’autre extrémité de l’empire, et qui, par des raisons analogues, a essayé de se constituer en état séparé, a dû également succomber, et cependant le gouvernement brésilien avait là devant lui des hommes connaissant le prix de la liberté, endurcis à la fatigue et réputés les premiers cavaliers de l’Amérique du Sud. Ajoutons que ces tendances séparatistes vont chaque jour en diminuant. Le gouvernement constitutionnel de l’empereur ne donne plus prise aux récriminations politiques. Les steamers qui sillonnent continuellement l’Atlantique font mieux sentir la main du pouvoir, détruisent de plus en plus les velléités d’isolement en facilitant les communications, et font voir à Pernambuco qu’elle est à la fois trop faible et trop fortement imprégnée d’esprit portugais pour avoir droit, comme Montevideo, à former un état indépendant.

Nous venons de voir à Pernambuco une ville où l’influence de la capitale est balancée par bien des influences contraires. Veut-on connaître une cidade qui représente plus exactement la civilisation portugaise au Brésil, c’est à Bahia qu’il faut aller. De toutes les villes de la côte, il n’en est pas de plus charmante. Sans doute la partie basse qui longe la mer sent encore le nègre et la fièvre ; mais rien de ravissant comme l’esplanade qui domine la rade et où la brise apporte continuellement l’air pur et frais de l’Océan. Ces collines que j’avais déjà saluées à Pernambuco comme une apparition de la terre promise, je les retrouvai à Bahia et plus tard à Rio-Janeiro, toujours inondées de lumière et de parfums. C’est une guirlande de fleurs de plus de mille lieues qui longe le rivage, s’abaissant de temps à autre devant le cours impétueux d’un fleuve et se relevant aussitôt plus brillante encore, comme pour fasciner les yeux du navigateur. Rien en effet de plus majestueux que cet amphithéâtre de montagnes éternellement vertes qui dominent les rives de l’Atlantique. Aux premières lueurs de l’aurore, la forêt se réveille, secoue sa chevelure humide, et dessine à l’horizon ses lignes ondoyantes, qui semblent autant de nuages flottant sur un lac d’or fluide. De merveilleuses