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générale, on ne peut dire pourtant qu’il les ait perdues de vue, quand on a lu les discours remarquables prononcés cette année par MM. Peruzzi et Minghetti, et entre autres les deux discours du président du conseil dans les séances des 17 et 18 juin. M. Minghetti a parcouru à cette occasion les points principaux de la politique intérieure et extérieure de l’Italie avec une netteté de vues, une sagacité et un ton d’homme d’état qui font honneur non-seulement à son mérite, mais à la chambre à laquelle s’adressaient des considérations si élevées et si justes. Le ministère italien a notamment pris à l’égard de Rome une attitude de patiente réserve qui nous paraît politique et sage. En principe, l’absorption de Rome dans le nouveau royaume est une question résolue : pour qu’elle le soit dans les faits, l’Italie n’a qu’à attendre le développement logique et nécessaire d’une situation anormale. Les incidens, qui feront apparaître de jour en jour davantage la fausse position que nous fait l’occupation de Rome, aideront l’Italie à être patiente. L’affaire de l’Aunis n’est-elle point un incident de ce genre? Sans doute les Italiens n’avaient pas le droit d’arrêter des malfaiteurs italiens sur un navire investi par les traités des prérogatives de notre marine militaire; mais quand de la question de droit maritime, où il a reconnu son tort, il est passé à la question morale, le ministre italien a eu beau jeu, ce nous semble, et la France délivrant des passeports et donnant le droit d’asile à des voleurs et à des assassins avérés ne nous paraît point faire une brillante figure. Ajoutons enfin que la majorité parlementaire, qui depuis la mort de M. de Cavour avait été si longtemps mobile et flottante, s’est reconstituée et a repris son aplomb sous le présent ministère. La tranquille Italie est maintenant en état de nous donner des exemples et des leçons dans la carrière du système parlementaire.

La prépondérance de la bonne cause, de la cause que la saine intelligence des intérêts français recommande à nos sympathies politiques, se dessine nettement aux États-Unis. La pointe de Lee dans la Pensylvanie, ne couvrait, comme nous l’avions pressenti, qu’une tentative désespérée. Le hardi général des confédérés ne cherchait dans le hasard d’une bataille qu’une compensation aux échecs décisifs que la confédération subissait ou allait éprouver dans l’ouest et sur le Mississipi ; mais c’est en vain qu’il a tenté le hasard : il a été obligé de repasser le Potomac après une sanglante défaite. En même temps les confédérés perdaient Wicksburg et Port-Hudson, leurs deux forteresses du Mississipi, et se trouvaient coupés du Texas et de l’Arkansas. Ce n’est pas tout, le général Rosenkranz, battant et repoussant le général Bragg, s’est emparé de la jonction des chemins de fer qui reliaient les états les plus méridionaux de la sécession à la Virginie. La sécession est ainsi morcelée en trois sections, séparées les unes des autres par les forces maritimes et militaires, des États-Unis. La rébellion est aux abois; les émeutes de ses complices de New-York n’ont fait que déshonorer ses derniers momens, et il n’est plus téméraire de prédire la reconstitution de la grande union américaine.


E. FORCADE