Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/736

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de demi-castes (ou de sang-mêlé), groupés autour d’un ami de M. Bates, combattirent activement, mais sans aigreur, et sans sortir des bornes de la légalité, cette puissante influence; ils échouèrent, et bien que l’agent du gouvernement eût commis beaucoup d’actes illégaux et tyranniques, ils acceptèrent paisiblement leur défaite.


« Dans une plus grande ville, ajoute le naturaliste, je crois que le gouvernement n’aurait pas osé pratiquer une pareille tentative de fraude électorale; mais mon expérience personnelle me permet d’exprimer cette conviction, que le mécanisme du gouvernement constitutionnel, moyennant une pratique un peu plus longue, devrait très bien fonctionner parmi cette population mélangée d’Indiens, de blancs et nègres, même dans cette portion reculée de l’empire du Brésil... Les hommes d’état qui le dirigent semblent avoir abandonné l’idée, si jamais ils l’ont eue, de constituer cet empire tropical sur le pied d’une nation blanche dominant une classe laborieuse à l’état d’esclavage. Ce sont les Indiens qui, dans la vallée des Amazones, créent à l’organisation politique ses plus grands obstacles. La ténacité du caractère de cette race prise en général, son horreur pour les restrictions de la vie civilisée, font des êtres qui la composent des sujets vraiment intraitables. Et pourtant quelques-uns d’entre eux, qui ont appris à lire ou à écrire, et dont la répugnance pour le séjour des villes a été détruite par quelque cause agissant dès le début de la vie, sont devenus de très bons citoyens. Il ne faut pas douter que si les Indiens des Amazones, notés pour leur docile humeur, étaient bien traités, instruits avec douceur par les hommes de race différente que la loi déclare leurs égaux, ils ne se montreraient pas aussi empressés qu’on les a vus jusqu’ici de quitter les cités, à mesure qu’elles se civilisent, pour retourner à leur condition demi-sauvage... »


Une verdure perpétuelle, un climat sain, l’absence presque complète des insectes-pestes, un sol d’une fertilité merveilleuse même pour le Brésil, un vaste réseau de rivières et de canaux où abondent le poisson et la tortue, un lac où une flotte entière de bateaux à vapeur pourrait jeter l’ancre en toute saison, des moyens de communiquer directement par voie d’eau et sans interruption quelconque avec l’Océan Atlantique semblent garantir à Éga le plus brillant avenir. Quant aux inconvéniens de ce séjour, ils consistent principalement dans l’absence de ces excitations variées qui donnent tant de charme à la vie européenne. Au lieu de s’amortir avec le temps, les regrets qu’ils causent s’accroissent au point de devenir presque insupportables, et le voyageur naturaliste est obligé de convenir que la seule contemplation des œuvres de Dieu ne suffit ni aux exigences du cœur, ni à celles de l’esprit. Il décrit en termes énergiques l’avidité avec laquelle il se jetait sur les journaux d’Europe qui lui arrivaient tous les deux ou quatre mois et la joie qu’il trouva dans